
organe , il emploie différens émaux de Venise , et les mêle avec
des métaux.
Comme tout le monde n’ a pas l’avantage d’ être admis dans
son attelier , je vais en donner la description.
Sur une tahle recouverte d’une plaque de laiton , est un
tiroir plein, d’huile, avec une fort grosse mèche ; sous cette
même table un soufflet qu’il fait aller lui-même , dont le bout
passe à travers-la table, et se termine par un conduit de verre
courbé , qui répond auprès de la lampe ; il s’en sert pour mettre
l’émail en fusion. Il commence par mettrg le globe de l’oeil au
bout d’un tuyau de pipe, le cercle s’élargit, et on ne le retire
que quand il y a un trou pour la cornée, qu’il fait avec de l’émail
bleu ; il chauffe l’extrémité de cette composition, souffle la
cornée et le reste du globe. Il prend ensuite un bâton d'émail
bleu mêlé de blanc , pour faire des points dans l’intérieur de
la cornée ; il en distribue encore de blancs parmi ceux-ci, qu’il
entre-mêle encore de petits traits- bleus et blancs, et fond
toutes ces couleurs au feu. La prunelle se fait avec un émail
noir, dessous lequel se trouve une plus forte épaisseur de c-rys-
tal fin , pour rendre la cornée transparente. Toute cette composition
prend au feu la forme qui- lui convient j l’ artiste retire
le tuyau de pipe , après avoir adap té un bâton de crystal à la
cornée, et l’orbite se forme en dedans. Il se sert d’un compas
très-exact pour arrêter, tout en soufflant, la grandeur de la
prunelle et sa convexité. Il enlève de l’oeil le superflu qui pour-
roit nuire à l’aceord de toutes les parties , et unit les bords en
les passant au feu. Avant de retirer la pipe ,' il souffle’ le globe
de l’oeil des deux côtés , afin de-former les fontaines lacrymales,
Quand l’opération touche à sa fin , il colle légèrement
un bâton de crystal dans le coin de l’oeil , et retire celui qui
tenoit à la cornée ; on souffle pour égaliser les petites cavités
qui pourroient être restées. On met enfin l’oeil dans un tiroir
plein de feu et de cendres chaudes, où il se refroidit insensiblement.
Cet ingénieux artiste travaille avec des lunettes dans une
chambre obscure , dont les volets sont fermés. Devant son feu
est une plaque de métal avec un manche, et dont la partie convexe
est tournée du .côté du feu.
Chaque mois il distribue gratis des yeux aux pauvres , les
vend assez bon marché aux personnes peu fortunées , et se fa t
bien payer’ des riches, Il a des yeux depuis un louis jusqu’à
vingt-cinq. Les chirurgiens ne -les lui paient que six livres la
pièce.
Quand on a eu le malheur de perdre un oe il, et qu’on peut
le -remplacer par un autre d’émail, on va chez Roux , qui vous
en fait un bien semblable à celui qui vous reste. On peut aussi
envoyer le dessin par la poste , avec une description bien exacte,
et vous pouvez compter sur son exactitude. Alors il a soin de
mettre de côté les échantillons des émaux dont il s’est servi,
les enveloppe dans du papier pour une autre fois. Comme l’iris
a différentes teintes, il faut en changer la couleur et les
nuances , aussi bien que les rayons , le point visuel, les nues et
les gerbes. Il y a des yeux de différentes grandeurs , suivant les
divers âges ; il les fait quelquefois avec la corne des ongles ou
des griffes de différens animaux ; un oeil de cette sorte ne peut
servir que trois mois, ou six au plus 5 alors il faut le changer ,
parce qu’il doit être usé en partie.
Les yeux qui représentent les maladies de cet organe , se
vendent de douze à vingt-quatre livres. Il y en a au moins de
cinquante espèces différentes.
Le 2 juillet, on promena dans les rues un mannequin d’homme,
à qui l’on coupa la tête et que l’on brûla , en mémoire de ce
que plusieurs années auparavant, un Suisse ivre avoit frappé ,
avec son sabre , une statue de la vierge, posée à la porte d’un
couvent (1). Cet acte de folie avoit été puni du châtiment dont 1
(1) Celte vierge étoit au coin de la rue aux Our*.