
525 ï 774. O C C U P A T I O N S
C H A P I T R E IV.
O c c u p a t i o n s de l ’a u te u r pendant son séjour au Cap.
J e consacrois tous mes momens de loisir à visiter les collines,
les montagnes et les plaines des environs de la ville , et je. me
faisois presque toujours accompagner d’un esclave de louage,
qui portoit un livre , et tout ce qui m’étoit nécessaire pour conserver
des. graines et des plantes. Cette année , le chirurgien
de l’hôpital me donna pour porter tout ce bagage , un homme
qui sortoit de cet établissement, et qu’une suite d’aventures
avoit conduit vers cette pointe méridionale de l’Afrique : il me
dit qu’il étoit né en Allemagne , et qu’il avoit beaucoup voyagé
pour son commerce ; il avoit séjourné en Hollande,, en France
et en Angleterre, ou il s’étoit établi pour vendre des médica-
mens et quelques préparations chymiques. Ce nouveau genre de
commerce l’avoit obligé à faire" un voyage en France ; mais une
tempête l’ayant poussé sur les côtes de Hollande , il y avoit
fait naufrage et perdu toute- sa fortune : se trouvant sur le
rivage , abandonné de la nature- entière , il avoit vendu ses
boucles à jarretières "pour regagner Amsterdam. Un ancien ami
qui le reconnut., lui offrit du secours; et sous prétexte de lui
procurer une auberge, il le conduisit chez un de ces infâmes marchands
de chair humaine j dont nous avons déjà tracé une légère
esquisse. En arrivant dans cette prétendue auberge , son ami
avoit demandé de l’eau-de-vie, du vin et de la bonne chère,
qu’ils avoient mangée ensemble; celui-ei en se retirant, reçut
deux ducats du-maître de la maison : le lendemain, l’ autre
n’eut plus la liberté-de sortir , faute de pouvoir payer la dépense
faite avec son ami. Tous les rensejgnemens qu’il put donner
furent inutiles,, et ou l’embarqua. Ses réclamations n’eurent pas
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plus de succès auprès du directeur, au moment de la revue ,
parce qu’il se trouvoit encore moins en état de rembourser au
marchand, toutes les avancés qu’il en avoit reçues : il fallut
donc partir pour le Cap , où il arriva malade. Il obtint sa liberté
peu de tems après être sorti de l’hôpital, et retourna en Europe
sur un des vaisseaux qui se trouvoient à la rade.
L ’hiver de cette année fut très-rigoureux; il dura pendant les
mois de juin, juillet et août : le 6 juillet, les montagnes du
Diable et de la Tablé étoient encore blanches par la neige
et la grêle qui les çouvroient : il y eut même de la vigne et
des légumes gelés dans beaucoup d’endroits.
Des vaisseaux nouvellement arrivés de Hollande', apportèrent
la nomination du baron Van-Plettemberg au gouvernement du
Cap et de la colonie ; il ne tarda point à prendre possession
de sa nouvelle dignité.
Je reçus pour mon compte des nouvelles non moins importantes
: outre les lettres par lesquelles mes patrons m’accusoient
la réception de tous mes envois, et me témoignoient toujours
la même bienveillance, ils y avoient joint une somme suffisante
pour payer lés dettes que j ’avois contractées pendant un sé'jour
de deux années.
Un vaisseau anglois destiné pour le Bengale, nous amena une
Angloise d’un bien rare mérite. Madame: Monson avoit entrepris
ce long et'pénible voyage , pour ne pas se séparer de son.époux
qui alloit rejoindre un régiment des Indes , dont il étoit nommé
colonel, et pour étudier l’histoire naturelle. Pendant son séjour
au Cap , cette savante fit éllè-même plusieurs belles collections ,
sur-tout dans le règne animal : M. Masson et moi étions souvent
de ses promenades ; et comme j’eus le bonheur de contribuer
à augmenter ses richesses en histoire naturelle , elle voulut
que j’acceptasse une superbe bague, comme un gage de sa
reconnoissance. Madame Monson pou voit avoir soixante ans;
elle savoit plusieurs langues, entre autres le latin : elle avoit