
Le 28 , l’on vit le varech-trompette (1) flotter sur l ’eau ,
marque non équivoque que l’omn’est plus loin du Cap , du rivage
duquel cette plante se détache.
Le nombre de malades, qui avoit été très-considérable-pendant
toute la traversée , commença un peu à diminuer, après
que nous en eûmes perdu , à la vérité , une grande partie.
Les maladies dominantes sur le navire, furent les fièvres pourpres,
putrides j accompagnées de rhumes , plus ou moins dangereuses
, les rhumatismes, les érésÿpèles, le scorbut. Certains
eurent des ulcères, des toux , des diarrhées , des dysenteries ,
des maux vénériens , &c.
Les matelots qui s’échauffoient à la manoeuvre du gouvernail,
. jusqu’à suer, et qui ne se mettoient pas ensuite à l’abri, du froid,
étoient ordinairement malades, mais plus souvent encore les
soldats mal-sains , et il arrivoit rarement à ces derniers de se
tirer d’affaire.
On prend, un nombre de gardes-malades, proportionné au
besoin des circonstances. Ils donnent à boire aux personnes qui
leur sont confiées , leur font prendre leurs médicamens > les
aident à descendre de leur hamac, à y monter, et accompagnent
l'es eonvalescens qui vont prendre l’ air-sur le-pont. La fièvre se
déclaroit rarement sans être précédée d’une- crise , car les malades
se couchaient presque nuds , ou avoient l’imprudence de
se lever tout en sueur, buvoien-t de l’eau froide en secret,
ou même s’en versoient sur le corps. Il en résnltoit plusieurs
métastases, et de cruels abcès aux bras, aux mains, aux jambes ,
et aux joues 5 la gangrène se mit à plusieurs, et d’autres se
trouvèrent épuisés , au point d’en mourir. Quelques-uns en
gardèrent une surdité, qui augmenta toujours.
Le métastase s’ attàchoit à la cuisse-, où il leur causoit une
(1) Fucus buccinaUs.
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douleur -insupportable j. quand il leur tomboit- sur les- y e u x , ils
ne pouvoient plus voir ; leurs- jambes s’enfl'oient, quand le.pied
en étoit attaqué j enfin , plusieurs- eurent la- petite vérole. Les
symptômes de certaines fièvres-, étoient des vomissemens opiniâtres
, une diarrhée cruelle j au1 transport,. souvent su-ecédoit
la: malignité : deux malades eurent un délire doux, vingt-quatre
heures avant 'letir mort, et ils chantèrent jusqu’au- moment de
rendre l’ame.
Depuis notre, départ , b o u s comptâmes régulièrement c'ent
cinquante malades, jusqu’au passage de la ligne, époque où
les plus foibles de l’équipage succombèrent.
On- avait! eu cependant la précaution de faire toujours marcher
les pompes à air ; on empêchoit les ivrognes de dormir
pendant le jour, et de boire pendant la nuit-. Il 3' avoit continuellement
une voilé du grand mât rabattue devant la principale
fenêtre du vaisseau,.pour favoriser l’introduction.de l’ air frais j
l’équipage avoit ordre, quand il feisoit beau , de se tenir sur
le pont, d’y transporter les. coffres, et les hamacs;-, pour leur faire
prendre, l’a ir , pendant qu’on nettoyait l’intérieur , qu’on, le
p-arfumoit- avec de la-, graine de genièvre , de la poudre , et qu-’-on-
l’arrosoit de 'vinaigre. En, outre , on excitoit les g.ens de l’équipage
à .s.’amuser, à être, toujours de. bonne humeur , sur-tout
très-propres , à sécher leurs.hardes , et à en- changer.
Le médecin ou le premier chirurgien, visitoit les malades
deux fois par jour, à huit heures du matin et à. quatre heures
d’après-midis C’est a cette dernière visite qu’il fait son ordonnancé.
Les noms de ceux-qui peuvent s’avancer jusqu’au coffre,
aux médicamens., est marqué sur une ardoise, avec les remèdes
qu’ils doivent, prendre pendant la journée-, et l’on va auprès du
lit de ceux qui sont plus incommodés 5 le médecin rend compte
au capitaine ou, au pilote de garde , du nombre des morts de
la nuit précédente,. et, de la situation des' malades. Il donne cet
état, par écrit, au-premier matelot, , afin que les; malades ne