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enrichit plusieurs employés ; ori les voyoit apporter des chargés
de fer sur des chevaux, et les vendre aux forgerons de la
ville. L'impudeur avec laquelle ils vendoient cette grossière marchandise,
prouve assez qu'elle n'avoit fixé leur attention , que
lorsque des objets plus chers et moins volumineux , leur avoient
manqué. Les soldats imitoient assez bien l'exemple de ces
dignes employés : la garde descendante revenoit. le soir dans la
ville avec les canons de ses fusils remplis de galons d'or ou, d'argent
, qu i, quoique gâtés par l'eau de la mer, n’en étoient pas
moins bons à fondre. On ne doit donc plus s'étonner de l'extrême
rigueur des consignes et de la ponctuelle exactitude, avec
laquelle on leslobservoit.
Que ne puis-je terminer ce récit affligeant et honteux pour
l’humanité , par quelque acte de générosité, ou plutôt de justice
, de la part du gouverneur envers la mémoire de ce généreux
vieillard ! Son fils demanda à lui succéder dans la misérable
place de gardien de la ménagerie, elle fut donnée à un autre.
La seule faveur qu'il ait pu obtenir , et que . l'on regarde
généralement ici comme une punition, ce fut d’aller chercher
■ fortune à Batavia (1) , où son frère demeuroit déjà depuis quelque
tems, et faisoit le commerce.. Mais notre jeune caporal ne
put résister au mauvais, air de l’jle j une mort prématurée l'empêcha
de jouir des hommages que lès directeurs de la Compagnie
en Hollande , ont rendus à la mémoire de son vertueux père.
Ils ordonnèrent à la régence du Cap , de pourvoir, le plus promptement
possible .,: à l'avancement dés enfans de Woltemad , qui
pouvoient être employés dans les déparLemens civil ou militaire
(2). De pareils ordres font autant d’honneur- à ceux-qui les
( 1 ) V o y e z , su r l ’ in s a lu b r it é d e .cette
is le , la n o te d e la p a g e 1 76*
• (2) C e s m êm e s d i r e c t e u r s o rd o n n é e
r e n ta u s s i q ue l ’o n don n â t à u n v a is s e a u
n o u v e llem e n t co n s tru it l e nom d e ce
h é r o s } e t qu ’o n p e ig n î t su r la p o ip e
tou s le s d é ta ils d e c e tte a c tio n à jam a is
m ém o ra b le . C ’ es t dans c e b â t im e n t que
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ont donnés, que de honte aux vils administrateurs • auxquels
ils étoiênt adressés- Courageux et trop obscur Woltemad ! puisse
le souvenir de ton héroïsme transmis d’âge en âge , apprendre
à la postérité la plus reculée , qu’il a existé dans ces contrées'
lointaines , un Européen digne du nom d’homme !
L ’indifférence coupable et même atroce qu’on a témoignée,,
pour l’équipage du v.aisseau, dans la catastrophe que je viens,
de raconter, s’accorde parfaitement avec la manière dont on
traite les matelots et les. soldats de la Compagnie ; à certains
égards ils sont plus-à plaindre que les esclaves même. En effet,
il est de l’intérêt des propriétaires que ceux-ci soient passablement
bien nourris., vêtus et soignés dans leurs maladies ; on
s’embarrasse fort peu, au contraire, que les autres soient bien
ou mal entretenus ; la plupart meurent de faim, manquent d’habits
, ou en ont qui ne vont pas à leur taille ; quand ils périssent
de froid ou de misère , les administrateurs s’ en consolent en ré-
pétant-avec le sang-froid de l’apathie et de la cruauté : la Compagnie
peut en avoir un autre pour neufflorins.
Parmi les nombreux naufrages , causés dans cette rade par
les vents de nord-ouest, on en cite encore deux qui paroissènt
faire époque. En, 1692 , trois vaisseaux, dont un anglois et deux
hollandois, furent jettés sur la côte ; il y a eu trente ans le
premier mai dernier, que sept vaisseaux de la Compagnie éprouvèrent
le même malheur.
C’est peut-être ici l’occasion de faire remarquer au. lecteur ,
que les Anglois sont incontestablement les. plus hardis navigateurs
de l’Europe, et par conséquent du monde entier. J’en ai
vu souvent louvoyer dans la rade , tandis qu’un vent violent du
l e c i to y e n l e V a i l la n t a lla ail C a p d e Voyage du docteur Sparrman, tom e I ,
B o n n e -E sp é ran ce . V o y e z l ’ in té re s san te p a g e 1 I 9 , t ra d , f r a n c , é d i t .m - 8 ’ . Note
Relation de son voyage dans Vintérieur du rédacteur,
de VAfrique, tom e I , p a g e 3 | e t l e