
N E U V I E M E P A R T I E .
V O Y A G £ e t séjour au Japon : du ZO juin
au z5 juin r/"/6\
C H A P I T R E P R E M I E R .
D i P AB- T de Batavia. — Navigation dangereuse jusqu’aux
îles du Japon. — Notice chronologique des plus fameux
naufrages dans les parages du Japon, depuis i6éz jusqu’en
17j 5. Du zo juin au i3 août 1775.
L ’ époque approchoit où les vaisseaux destinés pourle Japon
alloiént mettre à la voile. Le conseiller Radermacher , qui avoit
conçu pour moi la plus tendre amitié, employa tous les
moyens imaginables pour me retenir à Batavia. Espérant que
mon propre intérêt auroit -sur moi-même plus d’ empire que
ses sollicitations , il m’offrit une place de médecin, qui étoil
vacante , et dont on évaluoit le revenu annuel six à sept mille
rixdalles. Mais rien n’étoit capable de balancer mon devoir ,
et de me faire manquer aux engagemens sacrés que j’avois
contractés envers mes patrons de Hollandé. En outre, trois
mois de séjour dans cette isle m’avoient suffi pour me convaincre
que l’austère probité est ici un fardeau importun dont il faut se
débarrasser pour voler rapidement à la fortune. Ainsi, quoi qu’il
pût m’en coûter de chagriner un ami dont les bons offices
m’avoient été si utiles., je fis toutes les dispositions nécessaires
pour mon voyage au Japon. Je commandai plusieurs habits de
■ soie, et d’autres de drap galonnés , ainsi que différens autres
objets de luxe , afin de paroître d’une manière brillante dans
cette nouvelle contrée 3 car les Japonois regardent un Européen
avec autant d’attention que nous en mettons , nous autres
naturalistes., à examiner un animal rare et curieux.
Je me rendis donc , le 20 juin 1775, à bord du Stavenisse,
-Vaisseau à trois ponts , destiné pour le Japon. 11 y a déjà long-
tems que la Compagnie Hollandoise des Indes orientales
n’envoie plus que deux vaisseaux au Japon. C’est ordinairement
■ la Régence de Batavia qui 'commande ceLte expédition 5 elle
a soin que ce soient deux vaisseaux à trois ponts des chantiers
de la province de Zélande , ou qu’il y en ait au moins u n ,
parce que ces parages sont incontestablement les plus dangereux
de toutes les Indes 'orientales.
Je fus porté sur les états, poùr la traversée, comme premier
-chirurgien de l’équipage 5 et arrivé au japon , je deyois accompagner
l’ambassadeur à Iédo, résidence , de l ’empepereur , en
quali Lé de j médecin de légation. Mais - outre les fonctions de
■ l’emploi que me donnoit la Compagnie des Indes, j’avais contracté
en Hollande l’engagement de .rassembler , dans les contrées
lointaines que je devois parcourir, la plus grande quantité
possible dé graines, tant de plantes, que de buissons et d’arbres
, pour le jardin botanique d’Amsterdam et pour différentes
personnes de*distinction de Hollandé.
Notre navire, capitaine Nan-Ess, étoit monté par M. Feîth ,
chef du commerce an Japon., et ambassadeur auprès de l’Empereur.
Il faisoit ce voyage pour la quatrième fois, et avoit
pour adjoint dans la partie du commerce le subrécargue Ha-
ringa , et quatre assistans.
L’autre bâtiment, qui devoit marcher de conserve avec nous ,
se nommoit le Bleyenburg; il étoit un peu plus petit que le
nôtre, et portoit un subrécargue et un assistant. Le capitaine
tenoit table ouverte pour les officiers, partie à ses frais, partie
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