
parties du corps. Heureusement que la veille nous avions eu la
précaution de faire apporter une quantité suffisante de brandies
et de gros bois.
Je vis un petit champ de chanvre ordinaire (1), cultivé par
les Hottentots. Quoiqu’il soit de quelque utilité dans ce pays , ils
ne se doutent pas même du parti que sait en tirer l’industrieux
Européen. Ce n’est pour eux qu’un objet de friandise. On con-
noît leur passionpour le tabac et pour l’eau-de-vie, à laquelle ils
ont sacrifié ce' qu’ils ont de plus précieux , une portion' de leur
pays natal et de leur liberté ; car c’est à l’appât de ces deux
denrées que la Compagnie des Indes les a déterminés à lui céder
une vaste portion du Cap , une terre où reposent les cendres
de leurs ayeux (2). Le meilleur moyen de s’attacher un Hottentot
est de lui donner du tabac ; mais comme ils ne le trouvent
pas assez fort pour se procurer un agréable étourdissement
et une espèce d’ivresse , ou peut-être afin d’acélérer ces douces
jouissances, ils le fument mêlé avec du chanvre haché bien
menu. On voit maintenant le motif qui les détermine à s’adonner
à la culture de cette plante. On n’exigera pas, je crois , que
j’explique pourquoi ce peuple qui , avant l’arrivée des Européens
, ignoroit l ’existence du reste du monde et se croyoit seul
sur la terre, a pris tant de goût pour nos mets les plus dangereux
et les plus dépravés : je me borne à rapporter des observations ;
c’est au philosophe à les expliquer , ou bien à en déduire des
conséquences.
Mais revenons nous morfondre auprès de notre brasier. Nous
le quittâmes de bon matin et arrivâmes le soir à la ferme de
Pierre Plants, nommée.Melik-Hout-Kraal (3) et située auprès de
la rivière Diep (4). 1
(1) Cannabis saliva. DaKka, dans la (3) Ferme du bois au lait,
langue du pays, (4)'Rivière profonde.
•(a) Vo-y. ci-après le ch. sur les Hottentots~
. Ce n’étoit pas assez pour notre malheureux sergent d’avoir
perdu ses deux bons chevaux; il fut encore obligé de se jucher sur
un boeuf pendant deux jours, faute d’autre monture. Celle-ci dé-
talloit assez bien , mais n’étoit pas tout-à-fait commode pour le
cavalier, tant à cause de la largeur de son dos, que parle défaut
d’étrier. Il ne lui manquoit qu’un boulet à chaque pied, pour ressembler
complètement à un patient sur le cheval de bois..
Nous partîmes de notre ferme le lendemain pour aller à celle-
de Jacob Bota , et qui porte le nom de la rivière Pisany, auprès-
de laquelle elle est située. Ce n’ est absolument qu’un, endroit
destiné à élever des bestiaux, assez voisin du rivage de la mer.Ce
colon avoit à son service une cinquantaine de Hottentots qui
demeuroient dans le voisinage , et yivoient à ses dépens. Le
maître étant parti, le jour même de notre arrivée, pour le Cap ,
un vieil Hottentot, son homme de confiance , remplit envers
nous les devoirs de l’hospitalité de la manière la plus affable et
la plus obligeante. Il nous fournit tout ce dont nous avions besoin.
Le port est ici grand et beau.
Mes tristes camarades de voyage n’étoient pas encore revenus
de leur frayeur, et s’imaginoient toujours avoir, le buffle en
croupe. Cette inquiétude jointe à la privation du vin., ralentit infiniment
leur passion pour les découvertes : il faut aussi aypuer
que la première aventure n’étoit pas d’un très-heureux présage
pour les suivantes. Toutes ces considérations mûrement pesées,,
les engagèrent à fixer ici le terme de leur promenade. Ils me firent
part de la résolution qu’ils ayoient prise de retourner au Cap ;
comme elle contrarioit beaucoup mes projets, car nous n’avions
pas encore ramassé de grandes richesses, je leur représentai
qu’un retour aussi prompt pourroit inspirer de terribles soupçons
sur leur courage; en outre, nous étions éloignés de notre-
voiture,d’un de nos compagnons, et dureste de notre bagage : je-
finis en leur disant qu’ils étoient très-fort les maîtres de retourner'