
C’est l’usage , dans cette ferme et dans beaucoup d’autres,
de compter les brebis , matin et soir, quand elles sortent et
qu’elles rentrent. Chacun reconnoît aisément les siennes, parce
qu’ elles sont marquées tantôt à une oreille et tantôt aux deux.
C’est toujours la maîtresse de la maison qui fait ce dénombrement.
Elle donne .aussi un nom à chaque bête. Il faut conséquemment
qu’à une expérience journalière elle réunisse une excellente
mémoire. Celle que je vis ici possédoit ces deux qualités
à un si-haut degré , qu’elle;- s’ appercevoit du premier
coup-d’oeil, si sur plusieurs centaines de brebis il lui en manquait
une.
Le 19 nous-passâmes auprès de la ferme, de Nicolas Jansen,
pour aller à celle de Carl-yan-der-Merwel.4
Le froment n’étoit pas encore ici en épis. Nous en avions pourtant
déjà vu de l’autre côté de la montagne. On s'occupait à planter
des pois. En général , on sème et l’on moissonne ici deux
mois plus tard que dans les environs' du Cap et dans la contrée
plus basse , située de l’autre côté.
Je remarquai ici unidiotisme assez plaisant parmi les .colons de
ces montagnes. Quand ils parlent d’ aller au Cap , ils. disent toujours
qu’ils monteront au Cap, quoique le terrein aille toujours
en descendant, et que l’emplacement même de la ville soit bien
plus bas que la'base même de ces montagnes.
Le 20 , nous partîmes pour rendre une visite à Vilhem Prêtons
, propriétaire d’une belle fermé bien situé,e_j mais je froid
y est si vif en juin , juillet et août, qu’il y tombe souvent de la
■ neige pendant plusieurs jours de suite , et on voit pendre des
glaces aux toits,
Tous les poulains, les ve.aux,et les agneaux qui naissent pendant
ceLte rude saison, périssent de froid et de faim dans l’étable
où on les tient enfermés , parce qu’il n’y a pas moyen
de les laisser aller aux pâturages.
pn continuant notre route, nous passâmes auprès des fermes
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de Jean Rasmus et Van-Heeres, -et arrivâmes-à celle de Jacob
Pinard ,. auprès de laquelle il-se trouvoit un peu de, bois. Le
maître et sa femme étoient absents $ il n’y'avoit que deux esclaves
et quelques enfans hottentots : il fallut donc nous; contenter
de l’abri qu’ils voulurent bien nous donner sans le moindre
rafraîchissement, quoique nous n’ eussions pas mangé de la jour-:
née, et qu’il nous restât encore quelques milles à faire pour
aller à la ferme suivante.
Comme là réception que nous 'éprouvâmes . ici ne nous en-
gagêoit pas à y prolonger notre séjour, le lendemain, dès le
matin, nous nous remîmes en route et arrivâmes de bonne
heure chez Skalk-van-Heer , qui nous fit l’accueil lë.plus amical
, nous donna même a déjeuner, et nous fit boire d’excellent
vin du crû du pays; '
Ici commencent les chaudes montagnes1 des Antilopes, que •
l’on distingue des froides par la hauteur et l-’escarpement de
celles-ci : nous les passâmes le même jour. Elles-sont beaucoup
plus basses et bien moins froides que les autres. Aussi lés vignes,
y réussissent-elles bien mieux et rapportent un vin bien supérieur
à celui des montagnes froides. C’est un petit payVni trop
long ni trop large , mais rond et renfermé entre des montagnes
eômme dans un cercle. On n’en sort que par des ouvertures
étroites du côté de Mosterts-Hôek (1) et de'Hex-rivier (2). Le
sol est uni et par-tout couvert d’herbes, sans buisson. Il y reste
peu de gazelles sautantes; (3).
Trouvant ici deux jeunes colons disposés à passer à cheval
les hautes montagnes , parce que c’est le plus court chemin pour
sc rendre à Roodesand, nous partîmes avec eux : mais.à peine
eûmes-nous fait quelques pas , que mon compagnon s’apperçut
qu’il avoit oublié son porte - manteau ; il fallut retourner sur-
(1) Coin de moutarde. . (3) Klipspriuger. Buff.
(2) Rivière dès Fées. •
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