
la dernière pièce du troupeau volé. Le détachement que nous
rencontrâmes avoit-détruit un de ces kraals, dont les cabanes
étoient disposées sur deux lignes. Une seule ligne contenoit
plus de cinquante cabanes. Tons les habitans avoient pris l'a fuite.
Depuis deux ans les' Boschismans avoient volé dans Rogge-
Veld seulement dix mille moutons, sans compter les boeufs; ils
avoient aussi assassiné plusieurs colons , leurs esclaves et des
Hottentots.,
Quand ces Boschismans se voient poursuivis par des colons
montés à cheval, ils se sauvent sur les montagnes , et gravissent
comme les - singes, sur des hauteurs inaccessibles , évitant toujours
la plaine ; quelquefois ils se retranchent dans des crévasses
de montagnes, d’où ils décochent leurs flèches empoisonnées,
les seules armes'qu’ils puissent employer contre leurs ennemis.
Les colons's’ en garantissent en portant devant eux une peau
contre laquelle les flèches frappent sans effet, quoiqu’elles tombent
quelquefois comme la grêle.. Quand les Boschismans s’ap-
perçoivent qu’elles ne percent pas, ils ne font plus qu’une décharge.
Leurs blessés ne versent pas une seule larme , et ne
poussent pas même de • gémissemens.
Quoique la gourmandise soit le principal motif de leurs larcins
, ils n’en sont pas moins frugals. Ils mangent, dans les mo-
mens de disette , des serpens , des lézards , du zèbre , du lion ,
du babouin , des oignons , des oeufs de fourmi ; ils mâchent du
ficoïde (1) et le fument ensuite: Ils se barbouillent de matières
grasses,' et se saupoudrent dé craie. Enfin, ils.ont tous les
raflmemens et les saletés des autres Hottentots.
Lé 2Q nous longeâmes à cheval la rivière des Poissons , et
nous nous rendîmes chez Jacques Theron,, après avoir , passé
auprès d e l’habitation d’Olivier. En route il m’arriva un accident
auquel je ne devois pas m’attendre, au milieu d’une plaine bien
(x) Mesembryanthemum.
unie,
unie. Les Hottentots qui conduisoient ma voiture la firent
passer sur une grosse pierre, et me versèrent. La toile de ma
tente fut déchirée , mes deux caisses fracassées , et plusieurs
paquets de plantes gâtés.
Je vis ici des colliers faits avec des morceaux' de coquilles
d. oeufs d autruches , que les Hottentots façonnent en anneaux
polis et bien ronds.
L’h'iver est rude à Rogge-Veld. Il y gèle fortement, et il y
tombe une grande quantité de neige ; aussi, les colons n’y
passent-ils qu’une partie de l’année; depuis le mois d’octobre
jusqu au mois de mai, ils abandonnent leurs maisons et leur
récolté a la discrétion des Boschismans , pour passer les autres
mois de l’annee dans les plaines de Carro , qui sont alors rafraîchies
par les pluies , et qui offrent d’abondans pâturages à
leurs troupeaux :. mais enfin un teins vient où la.sécheresse les
oblige de retourner sur la montagne de Rogge-Veld.
- Le i er décembre nous allâmes à l’habitation d’Ester Huysen :
un ouragant affreux , qui dura une journée entière , accompagné
de pluie ;et de grele, nous força de séjourner ici deux jours. Il
fallut rester renfermés dans la chaumière, et nous*couvrir de
nos rédingottes pour nous garantir d’un froid aussi, vif qu’inattendu.
Nous l’attribuâmes à l’élévation de la montagne et au
vent de nord-nord-est qui souffloit avec violence.
Relativement aux campagnes de Carro situées’ à sa base,
■ cette montagne n’est pas moins haute que celle de la Table
auprès de la ville du Cap. On y a pratiqué un chemin par où les-
Yoitures peuvent descendre dans la plaine de Carro,
l'orne I. Z z