
pour se soustraire à l ’attaque impétueuse du buffle , qui fond
alors sur le cheval du sergent, et d’un coup de corne dans le
vpntre, le renversé'les quatre fers en l’air , et lui fait sortir les
entrailles hors du corps. L’animal ne survécut pas une demi-
heure. Le jardinier et le sergent cherchèrent leur salut en grimpant
sur le premier arbre.
Après.cette expédition, le buffle enfila le chemin par où nous
étions venus , et j’ étois encore engagé parmi les branches d’arbres
entrelacées les unes dans les autres , et qui faisoient assez
de bruit en frappant sur les selles1 de nos chevaux et sur le bagage
, pour m’empêcher d’entendre ce qui venoit de se passer à
quatre pas de moi ; et comme il m’arrivoit souvent de m’arrêter
pour cueillir des plantes que j’emportois dans mon mouchoir,
je me tenois volontiers derrière les autres, de peur de gêner la
marche.
Le sergent avoit pris deux chevaux pour faire le voyagé 3 l’un
étoit déjà expédié, et l’autre se troüvoit précisément sur le
chemin que le huffle prenoit pour sortir du bois. Il l’àpperçut,
et devenu plus furieux qu’auparavant , il l’abattit d’ün coup
de corne dans le poitrail 5 le corps et les jambes furent brisés , la
selle même fut percée : l’animal expira en tombant. J’arrivai précisément
à l’instant où le buffle venoit de le terrasser. Le
passage etoit si étroit qu’il n’y avoit pas moyen de tourner bride,-
j’abandonnai donc-mon cheval, et je montai sur un assez grand
arbre. Le buffle poursuivit la route que nous comptions prendre
nous-mêmes.
Du haut de mon arbre je voyois un de nos chevaux mort,
un autre qui remuoit inutilement les jambes pour se relever ,
et les deux autres effrayes et tremblans, ne pouvant se débarrasser
de l’ endroit où ils étoient engagés5 mais je ne voyois,
ni n entendois aucun de mes compagnons de voyage ; persuadé
qu’ils avoient été les victimes de la première furie du buffle , je
me mis a les chercher pour voir si je pourrois leur être encore
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de quelque secours ; mais ne découvrant aucun indice sur le
champ de bataille ,.-je pris le parti de les appellér, et ne tardai
pas aies, apperçevoir transis de peur et cramponnés comme deux
chats au tronc d’un arbre avec leurs fusils chargés derrière leur
dos, et ne pouvant proférer une seule parole.
Je les rassurai de mon mieux , et les invitai à descendre et à
sortir le plus promptement possible d’un endroit où nous courions
risque d’être attaqués, une seconde fois. Le sergent se mit . à se
lamenter et à pleurer la mort de ses deux bons chevaux. Quant
au pauvre jardinier, il demeura si étourdi de la peur, qu’il garda
pendant plusieurs jours le plus morne silence.
Cependant nous continuâmes notre chemin , à la vérité d’une
manière assez triste et sur-tout très-pénible, car nous ne faisions
que monter'et descendre des hauteurs assez escarpées. Comme
notre sergent n’auroit pu passer la-rivière à pied, je.le pris en
croupé derrière moi , et lui laissai même mon cheval jusqu’à la
ferme,où jeme rendis àpied.
Notre premier soin, en arrivant, fut d’ envoyer des Hottentots
dans le bois d’où nous sortions pour en rapporter les selles de
nos chevaux morts , qui pouvoient nous être utiles par la suite.
Ces Hottentots s’armèrent, avant de partir de leur- assagay , et
nous dirent qu’en effet ils remarquoient depuis quelque tems un
buffle très-furieux qui se tenoit seul dans ce bois, d’où il avoit
chassé les autres troupeaux de buffles.
Nous ne vîmes pas un seul Européenj c’étoit tous Hottentots
qui n’avoient d’autre demeure que leurs petites huttes. Elles
sont tellement remplies de vermine qu’un Européen ne peut se
décider à y loger , que dans une extrême nécessité.
Nous préférâmes donc de passer la nuit au bivouac, couchés
sur des nattes de paille, la tête appuyée sur les selles de nos
chevaux, en guise d’preiller , et un grand feu à nos pieds 3 mais
le froid fut si violent qu’il nous empêcha de dormir 3 il falloit,
d’heure en heure , nous lever pour nous chauffer toutes les
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