
pendant leur sommeil, en couvrant le berceau d’une toile ou
d’une autre étoffe posée 'sur des cerceaux qui leur laissent un
espace suffisant pour respirer.
Le g octobre, j’allai rendre visite aux professeurs Burmann,
qui me reçurent avec beaucoup d’honnêteté et d’amitié. Ils me
montrèrent leurs nombreuses et magnifiques collections d’histoire
naturelle, en m’invitant à la venir voir aussi souvent que
je le desirerois. On imagine bien que je ne manquai pas de profiter
d’une offre aussi obligeante. Ils m’accordèrent aussi l’entrée
de leur précieuse bibliothèque., qui a été si utile au savant Linnée
pour terminer sa Bibliotheca Botanica. Je m’occupai, d’après
leur invitation , de donner des noms à une grande quantité de
minéraux , d’insectes , de plantes , et sur - tout à différentes
espèces de gramen et de mousses. Leurs" coraux et leurs pétrifications
me parurent beaux et bien choisis , la bibliothèque
très - complète en excellons livres de médecine et d’histoire
naturelle. Je n’ai pas besoin de dire combien ces agrémens con -
tribuèrent à me rendre utile et amusant le séjour d’Amsterdam.
Quoique l’automne fût déjà un peu avancé , je ne me serois pas
pressé de quitter cette ville , si j ’eusse eu mes habits , que l’on
retenoit toujours en quarantaine. Rien de plus ridicule, à mon
avis, que de laisser librement circuler dans une grande ville
l’équipage d’un vaisseau soupçonné d’apporter la peste, et d’ envoyer
sa cargaison faire la quarantaine dans l’île de Texel. Des
mesures aussi absurdes n’auroient pas empêché la communication
des maladies contagieuses dont on craignoit que nous ne
fussions attaqués ; et quoique le chirurgien qui s’étoit fait payer
si chèrement la peine qu’il prit de nous tâter le pouls, n’eût
reconnu aucun indice de peste , on ne s’obstina pas moins à
retenir les malles d’un passager qui ne venoit pas même de
l’ endroit qui avoit inspiré ces inquiétudes. Pour faire évaporer
plus promptement les miasmes mortifères qu’elles pouvoient contenir
, on eut soin de les tenir bien enfermés dans les magasins.
Je ne puis m’empêcher de plaindre un gouvernement, qui,
pour des objets de cette importance, emploie des hommes aussi
stupides et aussi imprudens que ceux à qui j’ avois affaire. Enfin,
grâce aux bons offices de M. Baillerie , agent de Suede, l’amirauté
consentit à me permettre de reprendre mes malles, en
passant près de l’île de T e x e l, pour me rendre en France. Ainsi
je fus obligé, non-seulement de changer mon plan de voyage ,
mais encore de supporter de gros frais pour le temps que mes
ballots avoient passé en quarantaine, et pour leur transport des
magasins dans le navire. .
En attendant une occasion pour me rendre.enFrance ,,je résolus
défaire un petit voyage .dans l’intérieur de la Hollande, et d’y
visiter les collections d’histoire naturelle, les jardins et autres
objets remarquables.
Le i 5 octobre , le professeur Burmann me conduisit en voiture
à une de .ses maisons de campagne peu éloignée de la ville. Il a
un fort beau jardin anglois : les charmilles sont composées d’ifs,
de hêtres et de chênes (1). Parmi les plantes rares en fleurs , j’y
remarquai l’amaryllis de Ceylan et le glayeul bigarré (2) ,, et
parmi les arbres sauvages qui y étoient plantés , on y voyoit (3)
la kalmie à feuilles larges , le pavier rouge, le clethra glabre , et
le magnolier à grandes fleurs, ; :
A huit heures du.soir je partis pour Leyde par un bateau de
poste nommé, trechschnit. C’est la voiture la plus commune en
Hollande 5 tout le pays étant entre-coupé par des canaux , les
voyageurs sont à l’abri de l’injure du temps dans ces bateaux
longs et couverts. La cahute, située à l’une des extrémités du
bâtiment, est à la disposition du patron , qui la loue à ceux qui
veulent dormir ou être en leur particulier. Ces voitures d’eau
(1) Taxas , fagus, et quercus,
(2) Gladiolus tristis.
(3) Kalmia latifolia, oesculus pavia,
clethra alnifolia magnolia grandi flora.