
neuf hommes en bonne santé : tout le reste de F équipage etoit
mort ou sur les cadres : le scorbut rfayoit épargné personne :
en outre on avoit saigné tous les malades de maniéré afaire périr
les plus vigoureux, et ils avoient été traités avec une insouciance
peu commune , même sur les bâtimens de la Compagnie.
L ’on avoit administré à la plupart des remèdes contraires à
leurs maladies. Un matin, on annonça qu’il en étoit mort quatre
pendant la nuit : quand on se mit à les coudre dans la'serpillière
, un de ces malheureux remuoit encore ; a la vérité il
ne tarda pas à rendre les derniers soupirs. Une autre fois
on avoit cousu cinq morts, déjà deux avoient été coulés sur la
planche; quand on y plaça le troisième, il s’écria, tout enveloppé
qu’il étoit : Monsieur le pilote, je ne suis pas mort.
C om m en tdit celui-ci d’un ton railleur , .Je sais-tu. mieux
que notre chirurgien?
On a reproché avec juste raison , au capitaine et aux deux
chirurgiens du vaisseau leur ignorance et leur insouciance.
Tout le monde sent combien ce reproche étoit fondé. Aussi le
second chirurgien fut-il sévèrement puni, et peut-être encore
moins qu’il ne le méritoit. Le premier avoit eu la sage prévoyance
de mourir en route.
C’est peut-être ici l’occasion de remarquer que le capitaine
paie deux schelings pour chaque malade que l’on transporte
de son vaisseau à l’hôpital ; mais il a le droit de retenir sa ration
pour dédommagement.
C H A P I T R E II.
É t a b l i s s e m e n t des Hollandais au Cap de Bonne-
Espérance.-
In y a environ trois cens ans que les Portugais découvrirent le
Cap de Bonne-Espérance, et en eurënt la jouissance exclusive
pendant plus de cent ans. Les vaisseaux de la Compagnie hol-
landoise des Indes orientales, vinrent s’y rafraîchir pendant plus
d’un demi-siècle, sans songer à s’en emparer ou à y faire quelque
défrichement, : ainsi l’établissement de cette colonie ne date
pas de plus de cent vingt ans. Ce ne fut qu’en 1660 que des
vaisseaux de,la Compagnie', à leur retour des Indes orientales,
traitèrent avec les Hotteptots qui leur cédèrent leur pays natal
pour quelques rafraîchissemens. Un chirurgien de la flotte,
nommé Jan-van-Riebeet , qui étoit versé dans la botanique,
visita le pays avec; beaucoup d’attention : le climat lui ayant
paru excellent, et le territoire susceptible d’être défriché, et
capable de produire toutes sortes d’herbes potagères et d’arbres
fruitiers , il proposa aux directeurs de la Compagnie d’y former
un établissement.
L’affaire mise en délibération, il fut arrêté' que l’on enverroit
Jan-van-Riebeek , en qualité d’amiral, avec une flotte de quatre
vaisseaux munis des matériaux de construction, des" ouvriers
nécessaires, et des grains de-toute espèce.
Arrivé au Cap, van-Riebeck acquit des Hottentots un terrain
sur lequel on construisit une forteresse , une douane et un hôpital.
Ainsi furent jettés les premiers fondemens de cette magnifique
et riche colonie , plus glorieuse à la vérité pour le génie
actif des Ifollandois que pour leur humanité.
J’épargne au lecteur les différentes traditions, sur le prix du