
Nous parvînmes enfin à voir l ’ île de Java : c e tte découverte
répandit une allégresse g én é ra le dans l ’ équipage ; tous se fé li-
citoient d’ entre voir un pays qui é to it le terme de notre v o y a g e ,
e t qui d e voit ê tr e ce lui de la v ie d’un g ran d nombre de nos
malades.
L e s montagnes de Java e t ce lle s des île s voisines élo ient
toutes v e r te s e t boisées ; elles offroient un coup -d’oe il très-
a g réab le. L e s autres montagnes s ituées a u -d e là -d e c e lle s -c i,
_ sont plus [hautes e fi s’é lè v en t d’ autant plus qu’ elles sont plus
élo ign é e s dii r iv a g e . . ' '
L e 9 , nous doublâmes l’ île des Cocos ( î ) ; nous entrâmes dans
le S t ra a t -S u n d a , entre l ’île de Java e t ce lle du P r inc e . L e
v e n t baissa to u t -â - c o u p , e t cè calme ar rêta notre course. T an t
qüe nous fûmes dans le d é tro it , il fallut sans ce s se je tte r et le v e r
l ’ ancre pour empêcher le courant de nous em p o r te r , n’ ayant
pas de v en t à lui opposer. On ap p e rce v o it des île s 1 dispersées çà
e t là ,- plus o u moins grandes. L ’ eau é to it quelquefois tr è s -b a s s e ,
e t nous restions: à l ’ ancré p endant la-nuit.
L e 12 , on v in t ch e r ch e r notre superca rgue dans un y a c h t ,
a v e c le s le t tre s e t autres papiers de la C om p a g n ie , pour les
transpo rter à B a ta v ia ; par c e m o y e n , le conseil supérieur re ço it
le s dépêches avant même que le v aisseau soit à la rade.
L e i 4 , nous fûmes vis ités à b o rd par plusieurs habitans de
J a v a ; ils v inrent dans leurs p etits b a te a u x (2) garnis d’un tillac
d e planches non atta ch é e s , e t dont le dessous e s t'd iv is é en
p lusieurs cases , renfermant du p a in , des oeufs , des an an a s ,
des no ix de co c o s , du pisang (3) , des g o ia v e s ,'d e la sa lad e ,
des ra ifo r ts , e t autres fruits e t légumes. L e s uns re s tè ren t dans
le s 'b a te a u xp o u r nous je t te r les marchandises,vendues : d’ autres
v in ren t à n o tre bo rd pour r e c e v o ir ces marchandises et en to u -
(1) Clapper Hyland.
(2) Prauw.
(3) Fruit de bananier.
1775. V O Y A G E A J A V A . 383
cher la valeur . Je m ’amusois à examiner l ’a g ilité a v e c laque lle
ce transport s’ ex é cu to it. Ils je tto ien t & re c e v o ien t les oeufs
sans en casser un seul. L ’ argent n e u f leu r plaisoit plus que le
v ieu x ; ils l ’ examinoient a t te n t iv em e n t , e t re fu so ien t le s p ièces
qui leu r paroisspient usées.
Nous engageâmes les gens de l ’ équipage à ne pas trop manger
de fruits et dè légumes frais ; nous les mîmes en ga rde, su r -to u t
contre l’ appétissant e t d an gereux ananas, p a rc e qu’il cause des
dyssenteries et le flu x de san g , sur -to u t aux personnes dont
l ’estomac est affoibli et g â t é , ou chez qui le sco rbut a fa it d e
grands ra va ge s .
Nous laissâmes Bantam sur notre dro ite ; c ’ est, la résidence-
du roi de la contrée : il dépend absolument de, la Compagnie.
L a v ille a des fortifications e t une citadelle défendue par
une garnison de trois cents soldats hollandois que la Compagnie
e n t r e t ie n t , sous p ré te x te de servir de g a rd e s -d u -co rp s au
r o i , mais ré e llem ent chargés de le su rv e ille r , e t d’ em p ê ch e r
sur-tout qu’il ne vende du p oiv re aux étrangers (1 ).
, L ’ isle dé Java a environ cent quarante milles dè lo n gu eu r
de l ’ est, à l ’o u e s t, e t v in g t à vingt-cinq milles d e - la rg e u r du
nord au sud. Elle g ît vers le s ixième d eg ré de la titude su d , et le
cent • v ingt-quatrième de longitude.
C e tte isle est expo sé e aux vents de te r re e t aux v ents de m e r ,
qui changent selon les saisons. L a mousson d’o cc id en t au t re ment
nommée la saison des pluies , qui est ic i reg a rd é e comme-
l ’h iv e r , commence vers la fin de novembre ou dans les premiers-
jours de d é c em b re , et dure jusqu’au mois de mars'. Pendant
(1) La ville et le royaume de Ban- de Bantam et l’abrégé chronologiquetam
sont situés dans la partie orientale de ses rois, dans les voyages de Corii.
de l ’isle de Java; la religion musul- leBruyn, tome V , pages 49-79 ; et ma
marie y fut introduite il y a environ note ci-après ; page 233. Note du rêquatre
cents ans, par le petit-fils d’un dacteur.
prince d’Arabie. Voyez la description. '