
tout ce temps le-vent -souffle du. sud-ouest et de l’ouest; vers
midi s’élève un vent de mer. A la belle saison ou à la bonne
mousson, les vents tournent au sud-est, à l’est, et enfin au
nord.
Le 18, nous arrivâmes enfin à bon port dans la rade de Batavia,
qui est spacieuse et qui a un fond vaseux; elle n’est pas
très-profonde, et elle se comble chaque jour, ainsi que les
rivages de la mer. Les bâtimens ne mouillent pas loin delà ville,
et y pénètrent même à pleines voiles en remontant la rivière.
Le lendemain j’allai à terre avec le capitaine , et je m’installai
dans un bâtiment destiné aux étrangers et nommé Heeren-
logement (1).
Il paroîtra peut-être étonnant que dans une ville aussi vaste ,
aussi peuplée que Batavia, il n’y ait ni cafés, ni marchands de
vin. Les étrangers qui arrivent sur les vaisseaux hollandois ou
autres bâtimens, sont obligés d’aller loger à l’ auberge des
messieurs, grande et belle maison , où l’on a , moyennant un
ducaton ou une rixdalle et demie par jour, non - seulement
une chambre avec un l i t , mais la nourriture , à l’exception
du café, du vin et de la bière , qu’on paie séparément. Qn trouve
dans cette auberge une très-grande salle longue, une galerie
couverte à côté de cette salle, où les hôtes peuvent se promener
et causer à l’ombre , et même un billard. Les bourgeois
n’ont pas la permission de loger ou d’avoir chez eux en pension
des étrangers qui paient. Cependant on ne les empêche pas de
recevoir leurs amis.
Etant encore sur le vaisseau , j’avo'is fait parvenir mes lettres
de recommandation au gouverneur-général Van-der-Parra; l’une
du bourguemestre Temmink, d’Amsterdam ; l’autre, de M. Hol-
lemberg au conseiller Radermacher, et une troisième du docteur
le Sueur du Cap au docteur Hoffmann. En arrivant à terre, je 1
(1) Logement des messieurs.
li’ejis
iieus rien de plus pressé que de leur'faire ma visite , et reçus
•de leur part tous les témoignages d’amitié et de bienveillance
imaginables. C’est pour moi un devoir bien doux d’en conserver
une reconnôissance éternelle.
La violente chaleur du climat oblige le gouverneur-général
de donner ses audiences entrésept et huit heures du matin,
c est-a-dire , avant que le soleil soit monté à une certaine hauteur
sur l’horison ; et comme je-ne pus me rendre à terre avant
midi, je n’ allai le voir qu’à quatre heures d’après-midi. Il
m accueillit de la manière la plus flatteuse, et me promit sa
protection toutes les fois qu’elle me seroit utile , sur-tout pour
mon voyage au Japon. Ce gouverneur demeurait alors à sa maison
de campagne, à très-peu de distance de la ville , parce
•que l’air y est plus sain et plus frais.
Le même soir, j’allai chez le docteur Hoffmann ;’mais ne l’ayant
pas trouvé ,' il vint lui-même le lendemain matin me voir à mon
•hôtellerie; il m’offrit le logement et sa table , et me conduisit
tout de suite à l’apothicairerie de la Compagnie, où il demeu-
roit, et dont il avoit la 'direction.
Outre sa lettre de recommandation ,' le docteur le Sueur,
du Cap , m’avoit prêté une somme pour payer mes dettes. Je
ni etois engagé a rembourser cette somme sur mes appointemens
au docteur Hoffmann à Batavia.
L ’état de mes finances lui prouva que' je n’étois pas. un de,
ces voyageurs qui vont accaparer'les richesses de. l’Inde,
puisque pendant trois années de séjour au Cap de Bonne-Espérance
, je n’avois amassé qu’une immense quantité de productions
de la nature et quelques dettes. Le docteur Hoffmann avoit
déjà parlé de moi au conseiller Radermacher, et ’ce magistrat
l’ avoit aussi-tot charge de me remettre cinquante ducats avant
même de m’avoir v u , tant mes travaux et sur-tout ma situation
l’avoient intéressé: Quoique logé et nourri chez le docteur
Hoffmann , j’étois obligé de dîner deux fois par semaine chez le
Tome I , C e c