
470 1775.,- N O U R R I T U R E
Le noyau de la noix d’arek nommé pinang, renferme une
amande qui se partage ordinairement en six morceaux , q u i,
enveloppés dans du syri, font autant de morceaux de betel.
On casse cette noix avec un couteau fait exprès, que je voyois
souvent entre les mains- des. riches Européennes.
La viande des buffles de l’île se nomme harbou. Les esclaves
et les matelots s’ en nourrissent ; mais les gens riches la regardent
comme un aliment grossier et mal-sain dans un climat aussi
chaud. Ils ne mangent d’autre viande que des oiseaux, des
poules, des canards, des oies, et beaucoup de poissons , qui sont
d’une digestion facile,, et qui engendrent peu de putridité.
On ne cultive-guère ici de nos légumes d’Europe , tels que
dès choux, des pommes-de-terre , &c. mais en récompense le
pays en produit une multitude d’autres , qui ne le cèdent pas aux
nôtres. Par exemple , beaucoup d’oignons, différentes espèces
de fèves, et une quantité d’autres légumes qu’on sert chaque
jour sur. les tables.
Les Indiens mangent beaucoup de cocos (1). Ils grimpent
aux palmiers pour les cueillir à différens degrés de maturité :
après avoir ouvert le fruit avec un couteau, ils commencent par
en boire l’eau , qui , quoique très-sucrée , étanche cependant
la soif. Quant à l’ amande blanche qui ressemble au noyau, ils
la mangent tantôt seule, tantôt avec du riz. Les Européens
la râpent pour en faire une espèce d’orgeat ; on en prépare
aussi de la soupe à barri et autres mets délicats.
On nomme pisang ou banane le fruit de l’arbre de paradis
(2) : il y en a de gros et de petits, d’espèce supérieure et
(1) C o c o s n u c i f e ra . C a la p p a en malai.
Rhumphius compte treize espèces de
cocotiers. Voyez une savante dissertation
en hollandois sur les .palmiers ,
dans le tome I des V e r h a n d e l in g . Ctc.
( Mémoires de Batavia. ) R é d a c t e u r .
(2) M u s a p a r a d i s ia c a , t s e u en chinois',
bananier. Les côtes de ce fruit
ressemblent à des doigts, et quand il
est posé sur sa queue, on croiroit voir
inférieure. On cueille ordinairement ce fruit tandis qu’il est
encore verd. On le pend pour le laisser mûrir, et alors il devient
jaune. On appelle pisang radia, bananier nain ( 1 ), une espèce
plus petite. Il passe , à juste titre , pour le fruit .le plus délicat
et le plus sain que l’on commisse. La mince pellicule qui le
couvre s’enlève aisément, et sa chair , d’une douceur extrême ,
fond, pour ainsi dire , toute seule dans la bouche. On peut
en manger à discrétion, sans craindre de s’en dégoûter. Il est.
un peu laiteux et constitue la principale nourriture des Indiens,
qui le mangent souvent crud, comme font les Européens :
mais ceux-ci ont différentes manières de le préparer. Tantôt ils
le mettent griller ou cuire à l’étouffée, tantôt, ils le font cuire
coinme des poires avec du vin rouge , ou bien ils le pèlent et
le plongent dans du jus rouge d’une espèce d’amaranthe (2),,
d’où il sort aussi rouge que s’il avoit été cuit dans du pontac.
Cuit dans l’huile, il acquiert une certaine dureté , mais en même-
temps. un goût très-agréable. Pour l’aecommoder de ces deux
dernières manières , on le pèle et on le coupe par tranches
longues. On trempe quelquefois ces tranches dans une pâte très-
légère , et on les fait frire comme des baignets. J’ai vu , les soirs ,,
beaucoup d’Européens en manger 'accommodés de cette façon ,
en buvant du thé.
Un seul arbre produit une grande quantité de bananes , mais
servirent à les couvrir. Une observation
infiniment plus intéressante , c’est
que.ee bananier a fleuri pour la première
fois à U p s a l , en 1^55, et a porté-
dès fruits mûrs. Voyez O s b e c F s v o y a g
e , 1.1, p. i5i et 3o8. N o t e d u r éd u c te
u r .
(1) Pisang radia.
(2) Amaranthusv
deux poings serrés l’un contre l’autre.
Gardé pendant quelques semaines ,
sa peau devient jaune , et on l’enlève
avec le doigt, et non avec un couteau,
afin de ne pas altérer le goût de la
chair, qui est molle comme de la pâte
et d’une agréable douceur. On prétend
que c’est ce fruit qui Causa la perte de
nos premiers parens, et que ses feuilles