
Les comestibles de l’équipage liollandois consistoient en haricots
blancs à la sauce piquante , merluches â la moutarde,
pommes de te rre , pois bruns à l’étouffée, pois jaunes cuits,
gruaux épais avec un peu de graisse , poudding. avec de la
graisse et du sirop , gros pain aigre de Hollande , beurre et fromage.
On prenoit souvent, pendant le jour, du thé et du café.
Ils font ordinairement leur thé très-fort, et quand le temps est
mauvais , ils y mettent un peu de safran. Leur café est foible ;
ils le prennent le plus souvent sans sucre, et toujours sans crème
ni lait ; ils n’avalent jamais moins de dix à douze tasses de ces
breuvages, à chaque fois qu’on en sert. Le capitaine et moi y
mêlions un peu de sucre candi , et nous mangions des beurrés
de pain blanc à l’angloise, ainsi que du gruau de riz cuit avec
des.raisins secs et du beurre. Us assaisonnent toujours leur
viande de moutarde, et boivent peu d’eau- de-vie , à moins qu’il
ne vienne quelque pilote-côtier, ou qu’il ne fasse un très-mauvais
temps. Us boivent encore moins.de vin. Leur bierre se conserve
dans de grandes cruches, mais ils en font peu d’usage. Les
alimens secs et nutritifs sont ceux qu’ils préfèrent pour leur
consommation journalière } ils les accommodent avec beaucoup
de graisse. Attentifs à entretenir la propreté dans le navire,
ils ne cessent de le laver et de le peindre.
Nous arrivâmes qn Hollande le 1er octobre 1770. L ’île de Texel
fut la première.terre que nous découvrîmes.. Le pilote-côtier
qui devoit nous conduire à Amsterdam vint à bord. La mer
nous parut couverte d’une multitude innombrable de frégates.,
de vaisseaux des Indes orientales et occidentales, et de bâti-
mens moins considérables de toutes grandeurs et de toutes formes;
les uns reposoient sur leurs ancres, d’autres mettoient à
la voile, et formoient un spectacle vraiment enchanteur, surtout
pour des yeux qui n’y étoient pas accoutumés.
Lorsque nous arrivâmes devant Bergen , petite ville maritime,
il nous fut défendu, sous peine de mort, de descendre à terre
parce que le bâtiment venant de Pilau et des frontières de Pologne,
étoit soupçonné d’apporter la peste; et quoique je ne
vinsse point de cette dernière ville , mais d’Helsingor, mes
malles furent cependant portées à terre pour y faire là quarantaine
; on nous permit ensuite de cingler vers Amsterdam,
après toutefois nous être fait tâter le pouls par un chirurgien ,
qui vint exprès à bord. Il se contenta de presser le poignët de
Cinq personnes. Mais la rétribution qu’il exigea nous montra tout
le parti qu’il savoit tirer de son état ; elle étoit certainenient
proportionnée à la grandeur du danger qu’il croyait avoir couru '
en se mêlant avec des voyageurs présumés pestiférés.
En continuant notre navigation pour -nous rendre à Amsterdam
par le Zuiderzée ( où mer du Sud ) , nous rencontrions souvent
des îles peuplées comme de petites villes. L ’horison , borné par
une forêt de mâts, lés vaisseaux de toutes grandeurs auxquels
ces mâts appartenoient, la réunion de tous ces objets en un
mot, offroit une-perspective qu’il est impossible de décrire. Je
remarquai que la marée, en remontant et en descendant, avoit
formé dans la terre de longues baies tortueuses 'abritées, contre
les vents. 11 nous fallut naviguer plusieurs jours pour faire dix-
huit milles, parce que, pour la plupart du tems, nous manquions
de vent, ou nous n’en n’avions que de très-foible. Quelquefois
nous nous laissions aller au courant, et quand le vaisseau
étoit tout-à-fait immobile, les gens de l’éqnipage s’amusoient
à le laver et à le peindre. Pendant cette traversée, j’èûs le
plaisir de voir conduire au Texel un grand navire sur des chameaux
(1) ; moyen qu’il faut employer ici pour transporter les
grands bâtimens depuis la ville jusqu’à l’ entré© de là mer. Au
reste', on ne voit, dans cette ba ie , que des morceaux floltans
de la grande pincette de mer (2).
. ( L ) Ce sont des madriers posés sur dans des endroitsou'il n’auroit pasassez
deux vaisseaux de moindre grandeur, d’eau. Note du Traducteur. 1 .
qui en soutiennent un beaucoup plus ( 2 ) Zostera.
considérable, et le font ainsi passer .