
les rames ou qu’on y jettoit quelque chose , de manière qu on
aurait cru voir un clair de lune ; ce qui formoit un spectacle
imposant et curieux.
Le i 5 , nous mîmes.a la voile avec un h on vent, et la nuit
suivante nous fûmes.accueillis d’un orage qui dura jusqu’au 17 ;
alors nous nous trouvâmes entre Douvre et'Calais, au milieu de
la Manche. Nous vîmes deux phares du côté de l’Angleterre. La
tempête et le veut avoient été si violens , que nous eûmes
plusieurs voiles déchirées : il tomba une-pluie abondante. •
Le 18, nous découvrîmes, les côtes de France qui nous parurent
fort hautes , le vent étoit doux et favorable.
Le 19 , nous vogûmes tout près de la terre., a la-distance du
jet d’une pierre. Le rivage étoit très-élevé, composé de pierres
calcaires, avec de petites pointes d’ espace en espace : enfin,
nous arrivâmes vers midi au Hâvre-de-Grace. Plusieurs vaisseaux
étoient à l’ancre dans la grande anse qui ayance dans les terres.
La quantité d’eau salée qui avoit passe pardessus notre pont
avoit tellement fait enfler les pieds des matelots, qu’il s’y étoit
formé de fortes ampoules dans différens endroits : on les guérit
’ en les lavant avec’de l’eau-de-vie.
Le 20 , le capitaine’ se rendit au Hâvre pour avoir une lettre
de santé , et pour'prendre à bord un pilote-côtier.
La ville est située sur le penchant d’une hauteur, entre deux
collines7 elle est. peu considérable, mais belle et bien située,
avec un beau port qui rerifermoit alors environ cent cinquante
bâtimens, dont plusieurs de Hambourg étoient en quarantaine.
Le lendemain nous levâmes l’ ancre et arrivâmes avant midi
à Quilleboeuf, où la Seine se jette dans la mer. Nous eûmes la
visite de. quelques commis dé la douane ; qui mirent leur scellé
' sur le vaisseau. Un pilote-côtier nous conduisit à Rouen : là ,
nous vîmes deux vaisseaux échoués , dont on n’appercevoit plus
que l’extrémité des mâts : la craie avoit rendu l’eau toute blanche,
Faute de- v en t, et la marée nous étant contraire , le-soir
poij§
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nous mouillâmes devant un village nommé Yilcair : quoiqu il n y
ait que dix lieues par terre de Rouen à l’embouchure de la Seine,
on en compte trente par eau, à cause des sinuosités de la
rivière.
Le 23, je descendis à terre avec lepilote du bâtiment, et nous
trouvâmes que la marée ayant humecté au loin le rivage qui con-
sistoit en terre grasse, il faisoit si glissant qu’on avoit peine à
tenir pied. Ici les paysans demeurent très-près les uns des autres j
leurs cours et leurs propriétés ne sont séparées que par des
haies vives de pommiers, de poiriers , d’aube-épine , de fusain
(1) et de saule, parmi lesquels"j’ai aussi reconnu des rosiers,
des ronces (2), et le lierre qui grimpe autour des arbres. A cette
vue, je renouvellai bien sincèrement les voeux que j’avois déjà
formés, qu’on puisse déterminer les paysans suédois à substituer
des haies vives, aux barrières de bois qui séparent leurs héritages ,
et à confier la conduite de leurs troupeaux à des bergers qui
vaudraient beaucoup mieux que toutes leurs barrières stériles
et dispendieuses. Si l’on encourageoit la plantation et la culture
des arbres en Suède, ce royaume deviendrait un véritable paradis
terrestre.
Les arbres fruitiers sont iei plantés au cordeau. Le pot de cidre
ne se vend que trois sols , et les pommes à proportion.
■ Les habitans ont une manière très-simple de faire leur cidre ;
ils pilent leurs pommes parle moyen d’une meule qui roule dans
une auge circulaire remplie de pommes : cette meule est tirée
par un cheval qui tourne toujours autour de l’auge. Quand les
pommes sont bien écrasées et réduites en pâte , on les transporte
sur la table du pressoir, et on en forme plusieurs couches
séparées par de la paille j le jus qu’elles rendent, quand on les
presse , tombe dans un baquet destiné à le recevoir.
(r) Cratagus oxiacantha, tvonymus, (2) Rosie, relus coesius, hedtra.
talices.
Tome I , H