
C H A P I T R E I I .
S é j o u r et voyage en Hollande, depuis le S octobre
jusqu’au 16 octobre 17/1.
L e 5 au soir, nous arrivâmes à Amsterdam, ville magnifique,
très-peuplée, et formant une demi-lune le long des côtes de la
mer. Une multitude incroyable de vaisseaux bien rangés bord à
bord sur plusieurs lignes, forment une espèce de mur qui dérobé
la vue de la ville ; les plus grands bâtimens sont les plus éloignés
de la terre. On a planté dans la mer, tout auprès de la côte,
plusieurs rangées de pilotis pour servir d’asyle eux petits navires,
qui peuvent passer par les ouvertures qu’on a ménagées,
ou même sous les ponts. Du côté de la mer , et dans l’intérieur
de la ville, tous les parapets des canaux sont en briques, de
manière que les petits vaisseaux , les îachts , les barques et
bateaux peuvent mettre à bord très-commodément.
Toutes les maisons d’Amsterdam sont très-ornées, extrêmement
propres , mais non pas toujours également commodes.
Elles se ressemblent presque toutes pour la construction; elles
sont en briques, à cinq étages et couvertes en tuiles; l’inclinaison
du toit correspondant aux côtés de la maison, forme la mansarde
sur le devant, et des espèces de gradins sur les côtés, ce qui
produit un bien meilleur effet que quand les toits donnent du
côté de là rue. Les caveaux servent ordinairement d’atteliers,
de cuisines , et quelquefois de logement. Les fenêtres du premier
sont très-hautes, pour qu’on puisse les couper en deux et
que la partie supérieure serve à éclairer le second, de manière
que ces deux étages ont l’air de n’en faire qu’un. Il n’y a pas
de porte cochère, on entre dans les maisons par de petites
portes.-Celles qui sont situées dans les . belles rues ont sur le
devant, un bel escalier par où l’on monte au premier étage audessus
dessus durez-de-chaussé'e. Lesmurailles et les pignons sont très-
minces , à cause du sol marécageux et du peu de profondeur
des. fondemens. Ainsi leurs cinq étages sont à peine aussi, hauts
que trois étages de Stockholm. Les corridors , les paliers et les
chambres entières sont revêtus de porcelaines divisées par
petits carreaux , et les planchers couverts de marbre blanc ou.
d’une autre pierre. Ils, sont très-resserrés pour le local; leurs
maisons n’Ont qu’un très-petit nombre de chambrés, quelquefois
une seule à chaque étage. Je ne parle pas ici de celles qu’on
voit en Certains quartiers, et qui ressemblent à des palais. L ’eau
circule dans les rues et dans les maisons par le moyen de petits
canaux ; elle en sort de même par d’autres conduits. On ne se
sert que de cheminées dans toute la Hollande ; l’excellent usage
des fourneaux ou poêles y est absolument inconnu, parce qu’on
ne pourroit pas les allumer avec la tourbe qu’on emploie généralement
ici pour'se chauffer , et dont on ne craint pas les vapeurs
sulphureuses. Le milieu des rues est pavé de longues
pierres de granit, les côtés, d’une brique jaune; c’est ce qui
forme les trottoirs. Enfin, plus près des maisons ,- aussi loin que
les escaliers peuvent s’étendre , on marche sur du marbre blanc
ou sur des pierres bleues. Quoiqu’ils soient obligés de tirer des
pays étrangers leurs différentes pierres à paver, je n’ ai pas vu,
dans' tous mes voyages , de ville dont le pavé fût aussi égal, e t
aussi bien choisi que celui d’Amsterdam. Les trottoirs', qu’on
lave régulièrement tous les jours, offrent une promenade aux
piétons, qui ne sont incommodés ni par les voitures , ni par les'
chevaux : ils ne craignent pas même les éclaboussures. En outre,
on rencontre fort peu de carrosses ou d’autres voitures semblables,
car il n’y a guère que les médecins qui se servent de
grandes chaises montées sur de hautes roues et traînées par un
ou deux chevaux.
Tout l’intérieur de la ville est entrecoupé par des canaux sur
lesquels circulent de petits navires chargés de toutes sortes de
Tome I , B