
C H A P I T R E I L
P r o m e n a d e aux environs du Cap.
A u commencement de juin, je fis un voyage à la montagne
Paarl, avec le docteur le Sueur , né au Cap , qui avoit étudié
en Hollande, et reçu docteur à Groningue. On l’avoit engagé
à visitèr un malade, à qui une longue fièvre avoit laissé une telle
foiblesse dans les jointures, qu’il ne pouvoit porter sa main à
la bouche, ni se ,soutenir sur ses jambes.
Dans plusieurs endroits le chemin étoit submergé par l’eau
de la pluie, qui entroit quelquefois même dans la voiture , et
couloit avec une rapidité extrême.
L e sol est maigre et constitué , presque par-tout, de sable ;
au fond est une terre mêlée de corps ferrugineux, de terre
glaise , d’acide vitrioliqüe , et de chistes. Cependant il produit
beaucoup de phyliques , de bruyères, et de protés (ij.
Les matinées e t les soirées sont plus fraîches à Paarl qu’au
Cap , et la gelée blanche y fait souvent du tort aux légumes. Le
vent d’est y souffle avec force, et casse même les épis de froment
dans l’été.
Dans cette saison l’on bat ici le beurre tous les jours, et tous
les deux ou trois jours en hiver. On met dans de l’eau tiède
l ’instrument où l’on agite le la it, afin que la crème s’en sépare
plus aisément ; le vase dans lequel on bat le beurre représente
un cône renversé , dont le bas est plus large que le haut • il a un
large rebord fait en cuvette , pour recevoir les éclaboussures du
la it, et empêcher qu’il n’en tombe à terre , tandis qu’on le
bat (2). 1 2
(1) Phylicoe, ericoe, proteæ. la Flandre et dans les départemens du
(2) C’est le même instrument dont nord de la France. Note du rédacteur,
on se sert pour battre le beurre dans
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Toutes les maisons sont situées au pied de la montagne , qui
leur fournit de l’eau; mais comme elle en manque dans plusieurs
endroits, et qu’il résulte de ce défaut une grande stérilité , la
contrée n’est pas très-peuplée. Le sol de l’Afrique, en général,
est mauvais , et la fertilité de certains endroits, que quelques
voyageurs ont encore bien amplifiée , doit être attribuée à la
bonté du climat ; et en effet , la portion de terre végétale où il
se trouve de l’eau, et. que l’on cultive , rapporte assez abondamment.
L’habitant de la campagne qui se. propose de former un
établissement, choisit un terrein dans le voisinage duquel il y
ait de l’eau, pour avoir de bons fruits et de bon vin, objets
auxquels ils tiennent fortement.
Ils bâtissent leurs maisons eux-mêmes, tantôt avec'de la brique
, tantôt avec de la terre glaise, de la chaux et du sable. Ils
ont tous, beaucoup de bestiaux et de volailles , tels que des chevaux,
des boeufs,.des vaches , des moutons, des agneaux, des
chèvres, des canards et des oies, qu’un esclave conduit"dans
la campagne, sur les coteaux, et il les ramène au soleil couchant.
Ils passent la nuit en plein a ir, dans une enceinte formée par un
mur de terre grasse., et divisée par compartimens, parce qu’on
les tient séparés les. uns des autres. Ces moutons perdent beaucoup
(1) par leur toison. Rien de plus amusant que de voiries
agneaux que l’on garde à la maison tant qu’ils sont petits
courir le soir au-devant de leurs mères , du plus loin qu’ils ■
les entendent ; mais ne les voyant point, ils reviennent aussi-tôt
sur leurs pas. La faim dont ils sont tourmentés, les fait crier; leurs
cris deviennent plus aigus, à mesure, qu’ils sentent leur mère ■
approcher; dès qu’ils l’ont trouvée , ils la suivent jusqu’à l’étable.
Ces moutons d’Afrique ont la queue large et longue; il s’en faut
que leur laine soit bonne, car on ne l’emploie ni dans les ma