
Le 23 les pilotes (1) “parurent par bandes nombreuses; ils
faisoient des bonds sur l’eau.
Le 26, nous doublâmes l’île nommée Met-zyn-gat ( avec son
trou ) , et nous tirâmes vers le détroit voisin de Formose.
Le 2g, nous découvrîmes cette î l e , qui faisoit autrefois
partie des possessions bollandoises en Asie. Elle est longue ,
vaste et fertile. Les vaisseaux destinés pour le Japon pouvoient
alors y surgir et y prendre des rafraichissemens , et maintenant
ils n’ont pas un seul port pour se réfugier quand ils sont
battus pa rla tempête. Les Hollandois perdirent cette importante
possession en 16 6 2 . Leur gouverneur, nommé Cojet, fut
obligé, après avoir essuyé un siège de neuf mois, de rendre
la citadelle à Cochinya , Chinois rebelle, chassé de sa patrie
après l’invasion des Tatars-Mantchoux, qui s’emparèrent de la
Chine en i 644 (2). La défaite des Hollandois et leur expulsion
de l’île de Formose est consignée d’une manière très-détaillée
dans un ouvrage intitulé Het verwarloos de Formosa do or C. E.
S. (3) Amsterdam, 1675, in-4°. 1 vol. Cette île appartient main- 1
(1) Les pilotes sont une espèce de
poissons un peu plus gros que les poissons
volans, et également très -d é - ‘
licats. n Les plus gros que j ’ai vus , dit
„ le Gentil, n’ont que trois à quatre
n pouces de corsage, sur huit à dix de
» longueur. Ils sont entourés de quatre
„ à cinq petites bandes parallèles entre
» ellessur un fond bleu... Ils suivent et
» environnent le requin , d’où sans
» doute on leur a donné le nom de
» pilote... «. Voyage de le Gentil dans
les mers de Vlnde , t. I I , p. 7^5 et 736.
Note du Rédacteur.
(2) Cette invasion mémorable a été
plus avantageuse que funeste aux Chinois.
Elle leur a donné pour maîtres
des hommes qui leur apprendront à
leur ressembler. Ceux-ci a leur tour
se sont civilisés par le commerce de
la plus ancienne nation policée qui
existe. Enfin, les Mantchoux se sont
occupés même de la littérature. Ils ont
poli leur langue et l ’ont enrichie des
traductions de tous les bons livres Chinois.
Note du Rédacteur.
(S) La perte de Formose. Ce morceau
historique a été traduit en français et
imprimé 'dans le cinquième volume du
Recueil des Voyages de la Compagnie
hollandaise des Indes orientales, sous le
titre de Formose négligée. Note du Ré-
.dacteur.
tenant
tenant à l’empereur de la Chine, et les Européens n’y font
plus de commerce.
Le 3o , nous essuyâmes quelques petits ouragans accompagnés
de pluie, mais de peu de durée,
Le 4 août, nous fûmes accueillis d’une tempête sans pluie,
qui dura jusqu’au 7. La mer étoit si grosse et si agitée , que les
vagues lancées par le ven t, retomboient sur le navire comme
une pluie non interrompue, de manière que les officiers et les
matelots, à force de changer , furent sur le point de manquer
d’habits et de linge secs. Nous n’avions gardé qu’une seule
voile.
On avoit tendu à d’ arrière du vaisseau un morceau de voile
pour se garantir un peu de l’inondation continuelle causée par
les vagues, et c’étoit l’unique avantage de cette-espèce d’abri ,
où l’on couroit autant de dangers qu’ailleurs , comme je le vis
par ma propre expérience. Je restois assez volontiers sur le
tillac pendant le plus fort de-la tempête pour prendre l’air;
tout-à-coup je fus lancé d’une extrémité à l’autre du pont ,
que l’eau avoit rendu très-glissant. J’aurois peut-être sauté
par-dessus le bord dans la mer , s’il n’eût pas eu la hauteur
qu’on donne ordinairement aux bords des vaisseaux destinés
pour les Indes orientales, et je m’ estimai très-heureux de n’avoir
pas eu la jambe droite cassée , et d’en être quitte pour une
enflure sous le talon, grosse comme une pomme, tant le coup
avoit été violent.
Le 10, nous essuyâmes une autre tempête, accompagnée
de pluie ; c’étoit la cinquième depuis notre départ de Batavia.
Nous vîmes par nous-mêmes que l’on ne nous avoit pas exagéré
les dangers et les fatigues de ce voyage. Les parages de Formose
? sur-tout, sont extraordinairement orageux, même dans
la plus belle saison de l’année , c’est-à-dire, pendant les trois
ou quatre mois que les vaisseaux peuvent passer en sûreté dans
lesports du Japon. Sans m’appesantir sur ces tempêtes dont le
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