
Nous laissâmes plusieurs pavillons et flammes pour rendre
notre entrée plus brillante.
En approchant des deux, gardes impériales, placées; aux, deux
extrémités du port, dont l’une se nomme-la.g’fflrcfe de Vempereur,
et l’autre la garde de l ’impératrice , nous tirâmes, le canon,
pour les, saluer. Tout en louvoyant par une entrée longue, et.
tortueuse, nous jouissions, d’une vue admirable. Les collines, et
les montagnes d’alentour me parurent cultivées jusque sur leur
sommet. Il étoit environ midi lorsque nous arrivâmes enfin, et.
que nous mouillâmes à l’endroit où les vaisseaux restent ordinal-,
rement à lancre , à une portée de fusil; de la villfe de Nagasaki,
auprès; de la petite isle de Desima, où est située lufactorerie
liollandoise.
Quelques instans après que les. commis envoyés par la fac-.
torerié nous eurent quittés , emportant avec eux les-,lettres de
la Compagnie, et celles, des; différens particuliers , le chef qui,
étoit resté au Japon, vint chercher le chef nouvellement arrivé ,
notre capitaine , le subrécargue., et les assistans.
Ce fut ce chef qui nous apprit les ordres sévères nouvellement
envoyés de la Cour, pour empêcher la contrebande.
r°. Le capitaine et le chef dévoient être visités comme toutes
les autres personnes de l’ équipage , ce qui ne s’étoit pas encore
pratiqué.
2°. Le capitaine devoit s’habiller comme tous les autres Européens
, et il lui étoit défendu de porter cet immense habit,
à la faveur duquel il passoit la contrebande.
. 5°. On. lui enjoignoit de rester continuellement sur son
bord j dans le cas où i l voudrait venir à te rre , i l ne lui étoit
permis pendant tout le tems qu?il y resteroit, que d’aller deux
fois à bord pour mettre son bâtiment sur deux ancres.
Il n’obtint même cette dernière permission du gouverneur
de Nagasaki , qu’en employant successivement les prières et
les menaces, en lui signifiant qu’il le rendoit responsable, ainsi
que l’Emperéur, de tout le dommage qui pourrait arriver au
navire, et dont la Compagnie ne manquerait pas de tirer
raison.
Ces ordres sévères avoient été -suggérés par les découverte®
qu’on avoit faites sur Je Burg-, vaisseau holdandois abandonné
en x772 , et poussé sur les cotes du Japon, comme nous l’avons
.déjà .dit plus haut. En déchargeant ce vaisseau , on trouva une
grande quantité de marchandises de- contrebande,, qmi apparte-
MÛent particulièrement au ch e f, -au capitaine et. aux principaux
officiers,, dont les noms -étoient écrits sur les caisses. Les
Japonois furent sur-tout très-irrités de -trouver un coffre, appartenant
au che f, et rempli de sont ou ginseng faux (1), dont
l’importation est rigoureusement défendue. Ce coffre fut donc
brûlé, avec toutes les marchandises qu’il eontenoit , devant
la porte de la mer.
C e ne fut pas sans le plus vif regret, que, conformément
à ces ordres rigoureux, notre capitaine quitta son vaste habit
pour en reprendre -un plus dégagé et mieux fait pour sa taille :
quoiqu’il fût d’une corpulence passable., la populace japonaise
paroissoit toute étonnée de sa tournure leste èt svelte .5 ils
s’é-toient imaginés qu’il étoit de l’essence des capitaines Hollande
» , d’avoir cette vaste rotondité qu’on leur avoit vue
jusqu’ alors.
A peine eûmes-nous salué la ville de Nagasaki, que deux
banjos, ou officiers supérieurs japonois, et quelques sous-
- (-1) Radex genseng faux. L e gen-
eên-g vrai est une plante fort célèbre
par les propriétés qu’on attribue à sa
racine, et sur—tout par le haut prix
qu’on y met à la Chine où elle est
très-estimée. Cette plante croit dans
les forêts dé la Tatarie, sur le penchant
des montagnes, entre les 3g et
47e degrés de latitude septentrionale :
les Chinois et les Tatars en recueillent
la racine avec beaucoup de soin et
d’appareil. On prétend que c’est la
même plante que celle qu’on trouve
au Canada, et que les botanistes nomment
panax quinquefolium.