
Il y a un certain nombre de travailleurs commandés (1) et
surveillés par des inspecteurs ; ils déchargent et chargent le
vaisseau , conduisent les bateaux qui viennent à bord, ou s’en
retournent à-terre. Ils ont l’habitude de chanter en portant
des Fardeaux ou en ramant ; ce sont des espèces de cris ou
de mots cadencés. Les Hollandois se chargeoient autrefois de
châtier ces malheureux , et vouloient bien même prendre la
peine de leur administrer des coups de bâton ; mais ces gratifications
n’étant pas du goût des naturels , les gouverneurs ont
défendu, sous des peines rigoureuses , des procédés aussi atroces
qü’oütrageans. —
Tout Européen qui passe de son bord à Desima, ou qui veut
y retourner, soit qu’il porte quelque chose ou non, doit être
accompagné d’un valet, et muni d’un passe-port , sur lequel
son nom est inscrit, ainsi que sa montre et les autres objets
qu’il porte.
Les jours que l’on ne débarque aucune marchandise , ou
que- l’on n’en embarque pas, les officiers Japon'ois ne viennent
point à bord, non plus que les Hollandois ; ceux qui y sont
n’en peuvent sortir, car les portes du port sont fermées du côté
de la mer. Si une circonstance importante exige la présence
du capitaine, du médecin ou de quelques .autres officiers sur
le bâtiment, ce que l ’on indique en hissant un pavillon , il faut
demander la permission au gouverneur de la ville-; quand il
veut bien l’accorder, des interprétés et des officiers vous conduisent
par une rue détournée à un petit pont où vous trouvez
une barque qui vous transporte au vaisseau, après que vous avez
subi là visite la plus scrupuleuse. Ainsi l’on n’ouvre pas pour
cela la porte de la mer. Les banjos et les interprètes qui vous
( i } Les travailleurs se nomment que le* qtnlly des Persans, qui signb-
louly; ce mot est absolument le même . fie esclave. Rédacteur. 1
suivent ne montent pas sur le vaisseau. Mais, ils’ attendent dans
leur barque que vous aye-z terminé l’objet pour lequel vous avez
été appellé ; ils vous reconduisent ensuite à la factorerie par le
même' chemin et- avec les mêmes cérémonies. On ne manque
jamais de rencontrer beaucoup de monde sur son passage dans
la ville; de nombreuses- troupes d’enfans témoignent par des
cris (1) l’étonnement que leur causent les grands yeux ronds
des Européens. "
L ’on ne connoît pas plus lés douanes sur les côtes, que dans
l ’intérieur du pays; et l’on ne perçoit aucun impôt sur les
marchandises importées ou exportées, ni sur les étrangers,
ni sur les nationaux ; avantage inappréciable , qui ne se trouve
dans presqu’aucun pays. Mais on n’ en surveille pas avec moins
d’activité l’introduction des marchandises prohibées, et les visiteurs
ont vraiment des yeux d’argus. Tout Européen est d’abord
visité sur le vaisseau, et ensuite à terre ; on fouille dans ses
poches, on tâte ses habits , on lui passe la main sur le- corps ,
sur les cuisses même, jusque sur les parties de ceux d’un rang
inférieur , et on cherche dans les cheveux des esclaves. Tous
les Japonois qui viennent à bord sont sujets à la même perquisition,
excepté seulement les banjos supérieurs. On découvrit un
perroquet dans les culottes d’un sous-officier ; l’oiseau se mit à
parler tandis qu’on fouilloit son maître ; on trouva aussi des
rixdalles et des ducats dans les caleçons d’ün assistant. Quant
aux caisses que l’on embarque ou que l’on débarque, ils lès font
quelquefois ouvrir et vuider devant eu x , pièce par pièce , et
sondent les planches qu’ils soupçonnent pouvoir être creuses;
Ils enfoncent des broches de fer dans les baquets à beurre et
dans les pots de confiture. On fait un trou carré dans les fromages
, et on les sonde avec des aiguilles dans différens endroits.
(1) Ihllcnda O-me.
S s s 2