
Rheede-Van-Oudshcrorn, à qui j’étois fortement recommandé ,
et dont je pouvois atfendre tous les secours 'possibles , mourussent
tous deux , Eun avant mon arrivée au Cap, et l’autre
pendant la traversée pour s’y rendre. Jetté dans une contrée
lointaine , sans secours et sans connoissances, j’éprouvai le plus
cruel embarras jusqu’à ce .que mes généreux patrons d’Amsterdam
en furent instruits et travaillèrent à m’en délivrer.
■ Un malheur marche rarement sans un autre; c’est ce, que
j’éprouvai. Quand je me présentai pour recevoir lés appointe-
mens que la Compagnie m’avoit assignés , on s’ apperçut que
le vaisseau sur lequel j’étois venu, n’avoitpas le rôle de revue,
sans lequel -personne ne pouvoit rien- loucher. Quand nous
partîmes du T ex e l, les visiteurs pressés avoient oublié de nous
le donner, et le capitaine ne l’avoit pas demandé. Cet oubli
impardonnable fit qu’aucun de tous ceux qui étoient enrôlés
sur le y.âisseau, ne purent de deux ou trois ans toucher leurs
appointemens', ni retourner en Europe.
Ces malheureux visiteurs ont eu une telle influence sur mon
sort, que je ne puis m’empêcher de dire deux mots..sur leur
compte. .
Ils forment deux compagnies de valets de la plus basse
classe, logés sur les vaisseaux tant qu’ils restent à l’ancre au
Texel. Tout ce qu’on transporte à bord, est soumis à leur
inspection; ils sont aussi chargés de toutes les fournitures de
bouche et autres, jusqu’à ce que le bâtiment mette à la voile.
On est donc obligé de leur confier le rôle de l’équipage pour
les détails dont ils sont chargés.'Ces mercenaires uniquemènt
occupés des moyens de rapiner, songent plus à vendre du beurre
et du fromage qu’à remplir leurs devoirs.
J’avois déjà contracté, l’année dernière , des dettes assez
considérables, et mon crédit se trouvoit épuisé ; il m’étoit
a u s s i impossible'de faire les dépenses nécessaires pour un nouveau
voyage , que de rester dans l’inaction au Cap. Quoiqu’i!
put m’en coûter de tourmenter un homme dont la bourse m’avoit
été constamment ouverte dans toutes les occasions, je m’adressai
encore au secrétaire de police Berg : c e t ami généreux vint
encore à mon secours dans cette, occasion:, et me fournit tous
les fonds nécessaires pour ma nouvelle entreprise dans l’extrémité
méridionale de l’Afrique.
Mon équipage étoit positivement le même que celui de l’année
passée, à-l’exception que je fis remplacer mon ancienne voiture
brisée, par une nouvelle, garnie d’une tente faite en toile à voile.
Cette fois-ci je me la réservai uniquement pour moi, et ne la
partageai pas, comme l’année'passée, avec le sergent et le
maître jardinier, qui m’avoient bien gêné. ’
Outre le papier , les boétes , les munitions nécessaires,
j ’emportai .avec moi plusieurs médicamens pour les malades ,
quand je trouverais des hôtes bien disposés et officieux. J’eus
soin ausM de me munir d’un excellent fusil suédois que m’avoit
donné' M. Eckebe-rg, capitaine d’un vaisseau suédois qui étoit
à l’ancre. Je conservai cette arme précieuse pendant mon séjour
en Afrique et à Java. Elle me fut d’autant plus utile que je
m’étois déjà blessé au bras et*au visage, en tirant dés pélicans
qui volent par troupes tous les soirs. Mon fusil, s’étoit crevé :
ces événemens sont d’autant plus fréquens, que l’on ne vend
ici que de très-mauvais fusils. Un chasseur dernièrement, qui
parcourait la "campagne avec le commandant de la garnison,
eut la main emportée en tirant sur un oiseau (1) . Le feu gouverneur
Tulbagh, qui-, de simple soldat, étoit parvenu à la
première dignité militaire, «voit aussi perdu un oeil de la même
manière. Enfin je pourrais citer mille exemples d’accidens causés
par les mauvais fusils dont on se sert et qu’on vend au Cap.
Je pris pour camarade de voyage, un jardinier anglois nommé
(l) K o r r h a n .