
55o 1774., V O Y A G E
Les Boschismans ont quelquefois un javelot dont le bâton
est plus gros et plus court que celui de l’assagay des Cafires :
non-seulement ils le lancent, mais ils s’en servent encore pour
tuer les boeufs qu’ils volent aux colons; Les armes avec lesquelles
ils font la guerre, sont l’arc et les flèches empoisonnées
qu’ils lancent avec assez d’adresse ; c’est même pour
eux une étude : leurs flèches sont armées d’un fer mince à
trois pans, adapté à un. os long d’un doigt,. et dans lequel
on enfoncé un bout de jonc; ce fer et le lien qui l’unit à l’os,
sont ensuite frottés de vefein de serpent préparé. Les Boschis-
mans sont les plus adroits tireurs de tous les Hottentots : on
prétend qu’avec leurs flèches, ils manquent rarement leur coup
à la distance - de deux cents quatre-vingts pas ,' et ils évitent
celles de leurs ennemis avec une étonnante agilité ; ils peuvent'
sur ce point rivaliser les -babouins, qui éviteraient même nos
balles à fusil, s’ils: pouvoient les appercevoir. Un cheval peut
à peine des atteindre à la course en rase campagne, mais jamais
dans des chemins pierreux, ou sur des montagnes. Je
m’amusois sur-tout à le s entendre pester et jurer quand le
tonnerre grondoit 1 ils attribuent ce bruit à un génie malfaisant.
: Us endurent la faim très-paisiblement, et se contentent de
se serrer le ventre jusqu’à ce que leur nombril touche, pour
ainsi dire, à l’épine du dos; mais ils se dédommagent bien
quand leurs provisions le leur permettent : enfin leur estomac
est d’une complaisance peu commune,, et la peau-de leur
ventre est d’une élasticité très-commode pour le genre de
vie qu’ils mènent.
La manière dont' ils préparent le venin des serpens est assez
curieuse pour trouver ici sa place. Quand un Boschisman a
tué un serpent, il commence par lui couper la tête avec tes-
dents, détache ensuite la vessie qui renferme le poison, et la
laisse au soleil jusqu’à ce qu’il acquière, une certaine consistance;
il le mêle avec le jus d’un bois venimeux (1) , qui contribue
à fixer lé poison au fer de la flèche. ..
On m’a parlé d’un procédé assez simple , par le moyen duquel
les Boschismans, et même tous les Hottentots, se préservent
des dangereux effets du poison et de la morsure des bêtes Venimeuses
; ils se font mordre par des serpens et par des scorpions
jusqu’à ce que le venin n’opère plus sur eux ; mais il arrive
que ces essais coûtent la vie à plusieurs d’entre eux. On m’assura
que l’urine d’un Hottentot qui avoit résisté à ces épreuves ètoit
un excellent contre-poison, et qu’011 en faisoit boire aux personnes
mordues par des serpens.
La campagne leur offre ici un végétal dont ils font beaucoup
d’usage : ce sont des oignons venimeux (2) qui produisent de
beaux bouquets de fleurs. La racine n’est guère moins grosse
que le poing; les Hottentots s’en servent pour empoisonner
les-flèches .avec lesquelles ils tuent l é petit gibier, comme la
gazelle sautante (5) , &c. On croit que le poison de ces oignons
est plus actif quand ils croissent à l’ombre, que lorsqu’ils sont
-exposés au soleil.
Les jours suivans nous longeâmes Boeke-land, à cheval, jusqu’à
Hantoum : dans tout cet espace, le terrain forme une
pente douce. A l’entrée du pays de Hantoufn, sont des chaînes * 2 3
(1) C’est ordinairement du cestrum
venenatum. Ce n’est pas le cestrum
venenatum de mon Dictionnaire (vol.
I , page 688 , n°. 5), qui êst le cestrum
laûrifolium de mes Illustrations,
n°. 21276 ; mais c’est l’espèce déjà
mentionnée par Burrnann ( Flor. Ca-
pensis prodr. page 5 ), que je nomme ,
dans mes Illustrât, cestrum oppositif0-
lium (n°. 2279 ) j et dont j’ai fait représenter
un rameau (pl. 112, f. 2 |i
Lam.
(2) Amaryllis disticha (gift holies').
C’est Vhoem'anthus denudatus de mes
Illustr. Il est remarquable par sa collerette
très-courte, mais qui se voit assez
pour prouver que ce n’est point un
amaryllis. Cette plante est figurée dans
le Voyage de Paterson, pl. 1. Lam.
(3) G api'a pygargus.