
eûmes le service divin. On récita des prières, on chanta des
psfeaumes , et on lut la bible. A la vérité , dans les beaux feins,
on faisoit la prière du matin et celle du soir , mais pas très-fréquemment.
Le soir , on voyoit dans l’eau des milliers d’animaux , brillans
comme des étoiles, quand le bâtiment- les touchoient, -et de
■ grosses boules qui répandaient autour de laferiêtre de la cahute,
quand elle éloit ouverte , une lumière semblable à celle d’un
éclair pâle.
L e '29 , nous nous trouvâmes vers le i 5e degré de latitude
nord.
Le 3 et le 4 février, so.us-Je 8e' degré, c’.est-à-dire, très-
près de la ligne. Il éclairoit pendant la nuit, sans que le tonnerre
grondât. On prétendoit que c’étoit signe de vent; mais nous
n’en eûmes pas. On prit des poissons et quelques gros oiseaux.
Les malmuks parurent. La chaleur devenoit chaque jour plus
forte et plus insupportable. Nous trouvâmes que le jus de citron,
mêlé avec du sucre, formoit une boisson très-rafraîchissante.
Le 8, l’on apperçut une superbe trombe; la colonne partoit
de la surface de l’eau, comme de petits nuages dispersés, qui
s’accrurent ensuite'. Il en sortit une espèce de tuyau étroit,
dont le milieu s’épaississoit insensiblement, et qui se terminait
en nuée. Elle ne dura pas long-tems , et disparut aussi rapidement
qu’ elle s’etoit formée.
Le 21, une grande quantité de poissons nageoient à la suite
du vaisseau ;. c’étoit une grosse espèce d’aiguille’de mer (1) ,
dont la dernière vertèbre de l’épine du dos étoit très-longue.
Le 22 un peu après onze heures, nous passâmes la ligne;
la obaleur fut si v iv e , que le beurre ressembloit à de l’huile ,
la ciré à cacheter se fondoit ; les lettres se collèrent ensemble ,
et le.s cachets furent effacés. Les poissons volans (2) parurent
(1) Batistes. (2) Exocoetus volitans.
alors en foule; ils voloient' presque tous à la .file les. uns des
autres néanmoins nous, en vîmes ,quelques-uns voler en sens
contraire. Nous apperçûmes aussi un gros .oiseau noir, qui voioit
très-haut.
Le scorbut commençoit à faire des. progrès dans notre équipage;
l’eau dans laquelle nous avions eu cependant la précaution
de jetter du vif-argent , devint putride , et avoit une odeur
cadavéreuse; les'vers s’y étoient tellement multiplias, qu’on
ne pouvoit plus en boire sans the ou cafe. Mais, quelques jours
après, elle se clarifia d’elle-même, et devint très-potable lorsque
toutes ses ordures furent déposées au fond. En attendant, on
recueillit de l’ eau de pluie , malgré les défenses , parce qu’on la
regaîdoit comme dangereuse, parce qu’on croit qu’elle engendre
des maladies. Celle qui couloit le long des cordages , avoit le,
goût de la poix. On dit qu’on conserve la biere, en y mettant
deux oeufs qui s’y dissolvent.
Le 28 mars , nous eûmes le soleil a pic , et le. dépassâmes de
manière qu’il fallut ensuite prendre la hauteur à stribord, quoique
nous l’ eussions prise précédemment à bas-bord. Parvenus un
peu au-delà de la ligne , du côté du sud, nous sentîmes le vent
fraîchir de plus en plus., quoiqu’eh general il ne fut pas tresb
o n ,-car il nous poussa du côté de l ’Amérique, à soixante-dix
milles environ de la terre. Plus nous tirions vers le pôle méridional
, plus le fond de l’air se rafraîchissoit.
Lé 24 mars , nous découvrîmes les montagnes du Cap de.
Bonne-Espér’ancè. Nous pêchâmes des dauphins , que nous-mangeâmes.
Le 26^unë grande quantité d’oiseaux,.particulièrement des,
malmuks , bruns en dessus , et blancs dessous le ventre, vinrent
nous annoncer que nous approchions de la terre. Quand ils
étoient fatigués, ils se reposoient sur les vagues de la mer', et
ne parurent pas les jours suivans.