
nous visitâmes. Derrière est une autre chaîne nommée montagnes
de Meulen-rivier, qui se terminent à la ferme de Kok ,
la plus avancée de la colonie dans ce canton : nous y avions logé
quelques jours avant d’arriver ici. La montagne de Kabeljaus-
rivier gît encore plus loin, et se termine à la rivière du même
nom.
La rivière de Zeetoe se jette .dans la mer à peu de distance
de la ferme où nous étions , et nourrit ici beaucoup de poissons :
ceux qu’on pêche dans toutes les rivières de cette contrée ,
sont tout différens de ceux du sud de l’Afrique. Les paysans
établis sur les bords dès rivières, y pêchent avec des filets.
L’amour de la botanique me conduisit à la suite de quelques
enfans de Hottentots qui alloient pêcher : l’eau étoit fort large
et si peu profonde, qu’en m’y promenant, je n’en avois pas
jusqu’à la ceinture. J’y restai plusieurs heures de suite, tant pour
me baigner que pour chercher sur le rivage différentes plantes,
ou des insectes ; je n’avois qu’un mouchoir autour des reins,
et ) e ne prévoyois pas les suites dangereuses de cette promenade
à l’ardeur du soleil. En sortant de la rivière, je fus très-étonné
de voir toute la partie supérieure de mon corps qui n’avait pas
été plongée dans l’eau, couverte de rougeurs et très-enflammée.
Le mal augmenta tellement, que je fus obligé de garder le
lit pendant plusieurs jours. Toute cette partie de ma personne ,
les épaules sur-tout, étoient si douloureuses, que je ne pouvois
y supporter une légère chemise de coton avant de m’être bien
frotlé avec de la crème douce pour amollir cette peau brûlée.
Les campagnes sont très-riches en pâturages, et nourrissent
considérablement de troupeaux. Voilà pourquoi les colons fournissent
une si grande quantité de beurre au Cap. Ils le battent
ici presque tous les jours. On exige des servantes chargées de
ce soin une extrême propreté : il faut qu’elles se lavent bien
soigneusement les mains et les bras jusqu’au-dessus du coude.
Comme les animaux mangent, peu de petit-lait, On en jette
tant, qu’il coule quelquefois par ruisseaux.
Beaucoup de Hottentots sont au service des colons.
Je vis souvent ici , et particulièrement dans les endroits
marécageux, un beau loriot .{1), qui me parut assez remarquable
, sur-tout par sa queue qui est bien plus longue que son
corps. Il ressemble d’ailleurs à la fauvette ou au pinçon. Le
male brille dans cette saison par sa robe d’un rouge velouté. Le
reste.de l’année, il est gris ainsi que la femelle , qui conserve
cette couleur toute l’année , et qui n’a pas la longue queue :
ce doit être un ornement bien incommode, car elle semble tirer
l’oiseau en-bas , et l’empêche même de voler droit. Soit qu’il
s’élève , soit qu’il s’abatte, il lui est impossible de se diriger,
de manière qu’on le tire très-facilement, et pour le peu qu’il
fasse de la pluie ou du vent, on l’attraperoit à la main en
courant.
J’avois eu occasion l’année passée de voir dans plusieurs endroits
comment les Hottentots suppléent aux chevaux par les
boeufs , soit pour porter des fardeaux , tramer des charriots ,
ou même pour servir de monture. J'appris ici les moyens qu’on
emploie pour les dresser, à ces différentes espèces de service.
L’éducation des boeufs commence dès leur naissance. A peine
ont-ils quinze jours , qu’on attache sur le dos de ceux qu’on destine
à porter des fardeaux, une peau plus ou moins lourde ,
avec laquelle ils suivent leur mère au pâturage. Quand ils ont
une certaine force, on les attache avec d’autres pour qu’ils les
dressent, et les enfans des colons les montent. Ces cavalcades
de veaux sont fort plaisantes , et finissent ordinairement par
la chute du cavalier, dont le veau se débarrasse quand il lui
plaît. 1
(1) Loxia macroura. Le père noir à longue queue. BufF. pl. enlum. n°. i 83,
f. 1. ( Lang staart, longue queue.)