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Dès que nos Toitures eurent passé la rivière, je ne me donnai
pas le tems de changer de linge , ce qui nous aurait causé de
l’ embarras et beaucoup retardé : nous marchantes toute la
journée sans nous arrêter même à la maison de Christophe
Lombard, et nous arrivâmes un peu avant le soir chez Daniel
Plaisir, qui nous reçut d’une manière très-amicale.
Mon premier soin fut d’arranger mes tablettes, de faire sécher
ma montre et tous les objets susceptibles d’être endommagés
par l’eau.
Je remarquai ici et dans beaucoup d’autres endroits unesorte
de corbeau (1.) plus petit qu’un g e a i, de couleur noire, avec le
croupion blanc. Cet oiseau suit toujours les bêtes à cornes et les
moutons, sur-tout les matins et les soirs, avant qu’on ne las
conduise aux champs ou quand on les en ramène. Il s’amuse à
éplucher les insectes (2) qui tombent des buissons sur leur dos et
qui leur causent, des douleurs - très-vives .en s’ attachant à leur
peau. Il est d’ailleurs si sauvage qu’il s’envole du plus loin qu’il
apperçoit quelqu’un : ses cris avertissent les autres de prendre
la fuite. On dit qu’il creuse son nid sur les bords des ruisseaux
et des rivières.
Les insectes dont nous venons dé parler et qui tourmentent
tant les bestiaux, n’étoient pas moins incommodes pour nos
chevaux : souvent en parcourant les buissons pour chercher les
fleurs des plantes, mon cheval avoit la tête si complètement
couverte de ces insectes qui sucent le sang , que je ne voyois
pas ses oreilles. Je le faisois»nettoyer par mes Hottentots, avant
qu’ils s’ attachassent trop fortement à sa peau.
■ Les deux jours suivans, chez ClasBruyens et à la maison de
eampagne de Pierre de Welt.
L’ alogs est très-abondant dans ces cantons ; les coteaux et 1
(1) Cornus. (2) Acarus.
il!
les 'penchans des montagnes en sont quelquefois si couverts
qu’on .croiroit voir de loin une armée : ces buissons sont de la
hauteur d’un'homme, leur tronc est nud par le bas et couronné
de larges feuilles épaisses et pleines de jus.
Les- esclaves étaient alors .occupés à tirer le suc de ce buisson
pour en préparer de la gomme d’aloës, dont on fait depuis
long-tems, un si excellent usage en médecine,
Tout le terrain occupé par ces buissons appartient à de W elt,
qui le premier a commencé à préparer cette gomme : on prétend
qu’il a un privilège exclusif de la Compagnie , pour lui vendre sa
récolte.à un prix fixe. Plusieurs paysans ont appris la préparation
de cette gomme , et vendent, la leur aux étrangers la moitié
meilleur marché que celle de Welt.
Je vis ce procédé^ : il est très-simple. Il ne s’agit , pour me
servir des expressions dés colons, que d’extraire le suc et de le
faire cuire. On peut tirer ,ce suc dans tous les tems de l’année.
Après'les pluies , les feuilles en rendent davantage: mais il est
plus, foible. On choisit ordinairement pour cette opération, les
jours les plus sereins & les plus beaux, où le vent ne souffle pas ,
parce qu’il fait crisper les feuilles , et qu’alors elles rendent
moins de suc ; en outre , il se fige trop tôt.
On emploie à cette récolte les esclaves et les Hottentots. La
première.! feuille qu’on coupe sert de rigole. On met ensuite
lès autres dessus celle-ci, les gros bouts tournés en dedans :
on en place ainsi plus d’une douzaine , mais toujours de manière
que le jus puisse découler dans la rigole de la première : on ne
s’amuse pas à couper en plusieurs morceaux les feuilles qui ne
se trouvent pas trop près du tronc, parce que , suivant l’opinion
des paysans , elles n’en rendraient pas plus de jus. Après que les
esclaves ou les Hottentots ont disposé plusieurs de ces tas et que
le suc a cessé de couler, on retire les feuilles et on conserve le suc
dans des calebasses, qui servent ic i, comme dans plusieurs autres
endroits, de bouteilles aux pauvres. Un bon ouvrier ne peut pas