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au monde • je la vis ici pour la première et dernière fois. La disa
bleue ou à longue corne (1) , qui est si belle et d’une forme si
singulière, ne croît que dans un seul endroit, sur un rocher escarpé
et si élevé que nous eûmes toutes les peines du monde
à y parvenir. Nous gravîmes aussi haut qu’il nous fut possible ,
ensuite je montai sur les épaules de M. Sonnerat, et avec un
long bâton, j’arrachai cinq tiges , les seules qui fussent en fleurs ;
mon compagnon ramassa ce jour là plus de trois cents plantes ,
c’ est-à-dire , beaucoup plus qu’il n’en avoit encore recueilli au pied
de la montagne. L ’amour de la botanique le réduisit à s’en, retourner
au Cap pieds nuds, quoiqu’il eût apporté pour cette
seule promenade , trois paires de souliers qui furent mis en pièces
par les cailloux aigus détachés de la montagne , et dispersës-
dans tous les sentiers. L ’empeigne n’étoit pas moins maltraitée
que la semelle. En outre, les souliers françois sont tropminces et
trog mignons pour de pareilles coursés ; il faut' en avoir en cuir
ciré , avec des semelles fort épaisses.
Ce fut sur ces entrefaites que des vaisseaux de Hollande apportèrent
le corps du gouverneur Rheede-van-Ouds-Horns ,
mort pendant la traversée. Le vaisseau amiral avoit son pavillon
en berne , pour annoncer la perte qu’il avoit faite : on transporta
le corps a terre-avec toute la pompe et les cérémonies
qui ont ordinairement lieu aux enterremens des gouverneurs :
on sonna toutes les cloches ; '011 tira le canon de minute en minute.
Devant le corps marchoîent deux chevaux qui portoient
les armes et le bâton de commandement du défunt ; ensuite ve-
noient les trompettes , les tambours, les soldats, et la garde
bourgeoise à cheval, conduite par le major.
La mort de ce gouverneur étoit une grande perte pour moi:
car il m’avoit bien promis, en Hollande , de me faciliter tous
les moyens de parcourir l’intérieur .du pays.
(j) Disa longi-cornis.
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C H A P I T R E IL
y 0 T A g-e à pied autour des montagnes situées entre le Cap
de Bonne-Espérance et la Baie Falso : du i3 au ip mai.
L e i3 mai j’entrepris avec M. Gordon et un maître jardinier
anglois nommé Masson , arrivé depuis peu , de faire à pied le
tour de la montagne qui sépare le Cap de la baie Falso. Après
avoir traversé le premier vallon et etre monte sur la croupe de
la montagne de la Table , nous apperçûmes à droite un autre
vallon qui prend sa direction du côté . de la mer. A gauche
coule un ruisseau étroit , tellement couvert de broussailles.,
qu’on ne peut en découvrir la source ; il descend du haut d’un
gros rocher de la montagne. Toutes les vallées plates , grandes
ou petites , sont couvertes d’eau ou de, mousse , et forment
des espèces de marais. Lamontagne delà Table s’abaisse insensiblement
, se termine au sud-est, en collines et en vallons,
yers Hout-Bay (1).
Pour arriver à cette baie, nous fûmes obligés de traverser
la vallée des Babouins , qui commence à la montagne de la Table
, et partage la chaîné de montagnes , qui s’étend depuis
Constance , jusqu’à la pointe méridionale du Cap la plus avan-
cée..Nous trouvâmes à Hout-Bay une ferme nouvellement bâtie,
et nous vîmes à gauche la petite montagne.du Lion , qui est pointue
, et qui ressemble à la grande montagne du même nom,
plus voisine du Cap , et Kafunkelberg (2) , autre montagne
ovale, dontle pied est couvert d’un sable An et léger; elle s’étend
jusqu’au rivage de la mer, où elle forme un cap conique ,
dont la 'partie supérieure est tellement saillante et recourbée,
( 1) B a ie au b o is . (2) M o n ta gn e d e K a fu n k e l,