
Les maisons sont construites en bois et en mortier ; les
paysans portent des sabots avec des chaussons de laine ou de
la paille.
Les plantes sauvages qui croissent ici sont la carotte commune
, la marguerite, la crucianelle, la menthe, la bétoine et le
gui (1). L’hélice hispide (a) se trouvoit sur les arbres.
Le soir, nous.arrivâmes à un endroit de la rivière environne
de'hauteurs qui interceptoient le vent : on fit tirer le bâtiment
par quatre ou cinq chevaux, que les paysans nous louèrent de
très-bonne grâce. Plus près de Rouen nous vîmes plusieurs îles
qui s’élèvoîent au milieu de l’eau.
Le 25 novembre , vers midi, nous débarquâmes à Rouen, ville
assez grande et assez fortifiée. Les maisons y sont bâties, les unes
entièrement en pierres , les autres en pierres et en bois ; il y a
un grand couvent qui s’étend sur-tout en longueur. Les vaisseaux
mouillent auprès du ppiit, précisément devant la place et la
bourse. Cette bourse-ci est un lieu découvert, et ne s’ouvre
que dans les beaux temps; elle est environnée d’une grille de
fer et sert aussi de promenade. L’ autre bourse est pins avant
dans la ville. Les guérites des commis remplissent la.rue parallèle
au port. On entre de ce côté -dans la ville par des portés qui se
ferment à neuf heures. Les maisons sont couvertes en ardoises.
Les chevaux sont petits et ont une mauvaise allure'. Les personnes
des deux sexes s’en servent également, et ont souvent
encore quelqu’un en 'croupe. On leur met de grandes selles
incommodes , ornées quelquefois de franges et de grelots. On en
attelle quatre ou cinq de file, à de grands tombereaux ou à
d’énormes -charrettes fort mal construites ; on y met aussi des
ânes chargés -de grelots qui forment une musique peu harmonieuse.
Daucus carota, bettis, serve cio,
mentha, betomca viscum.
(2) Helix hispida.
Quoiqu’il ne fit pas encore très-froid , les habitans portoient
déjà des habits fourrés.
Les poêles sont d’un usage assez général, mais ils ne ressemblent
pas à ceux de Suède; ils sont très-petits, de fer ou de
porcelaine (1), avec un long tuyau de tôle , qui n’a pas de soupape
pour l’ouvrir ou le fermer. On les place communément au
milieu de l’appartement qui est-é chauffé en moins d’un quart-
d’heure, et se refroidit presqu’aussi-tôt, à cause de l’air qui
circule par le tuyau, qui ne tarde pas cependant à rougir, dès
qu’on chauffe le poêle un peu fortement : on y .-emploie du petit
bois. Les boutiques et différentes manufactures ont des arcades
ouvertes , sur-tout au rez-de-chaussée.
Les bourgeois et les. gens de la campagne, sans distinction ,
parlent une langue qui, dans d’autres pays, n’èst en usage que
parmi les personnes distinguées. Cela m’étonna et m’auroit meme
paru très-étrange, si je ne me fusse rappellé que j’étois en France.
Mais ce qui me parut encore plus extraordinaire, ce fut de voir
des servantes en bonnets montés et en sabots. -
Il y a quelques fontaines publiques dans cette ville.
J’allai voir M. Pinard , professeur de botanique ; il me montra
son herbier lié en hottes-et rangé sur des tablettes.
Le jardin botanique , situé à l’une des extrémités de la ville,
est peu considérable , et cependant divisé en deuxparties; au
milieu est un bassin rond. Il renferme une orangerie dans trois
serres ; mais elle n’est pas fort belle.
De tontes les marchandises de contrebande , le tabac est
la plus prohibée, puisqu’il ne s’agit pas moins que des galères
(1) IX est aisé de voir que notre voya-
geur s’est trompé : cependant je dois
observer qu’en suédois et en allemand,
la fayance se nomme demi-
porcelaine, ou fausse porcelaine y de
manière qu’il leur arrive souvent de
confondre ces deux matières, n’ayant
pas, comme les Italiens et nous, de
mot particulier pour désigner la première.
Note du rédacteur.
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