
à allumer un grand feu avec des buissons de.canna (1). Nous
nous couchâmes ensuite, auprès de ce fe u , avec nos selles sous
la tête , pour nous servir d’oreiller 5 mais le froid nous empêcha
de dormir, quoiqu’il ne fût pas très-vif : la grande chaleur
de la journée nous le rendoit très-sensible , de manière que
nous nous levions de moment en moment pour nous chauffer :
en outre, ce feu autour duquel nous faisions la pirouette, ne
remplissoit pas notre estomac : cependant aucun gibier ne, se
présentoit. Prévoyant - cette disette, j’avois mis dans ma gibecière
quelques biscuits et du sucre candi, qui nous furent
d’un grand secours.
Au lever de l’aurore nous crûmes n’avoir qu’à reprendre nos
chevaux ; mais ils avoient disparu. Je ne peindrai pas quel fut
alors notre embarras', au milieu d’un désert où nous courions
les plus grands dangers. Fatigués de parcourir inutilement la
vallée, nous montâmes, tout hors d’haleine, sur les plus hautes
collines., et nous découvrîmes enfin nos misérables chevaux
quf s’étoient écartés, pour chercher, sans, doute de meilleurs
pâturages. Nous les sellâmes promptement et tirâmes vers
les montagnes , auprès desquelles nous trouvâmes un paysan
si -indigent, qu’il possédoit à peine de quoi se mettre à-couvert.
Nous reposâmes bien toute la nuit : le lendemain nous nous
engageâmes dans le défilé d’Artaquas, à l’extrémité duquel
nos gens et nos voitures nous attendoient. Une autre chaîne
dé montagnes/commence ic i, et n’est séparée de celles d’Artaquas
que par le défilé. En sortant d^ ce défilé , par Groote-
Paarde-Kraal (2), on découvre la campagne de Carro, située
derrière la première chaîne de montagnes. ;
Tout le terrain depuis le défilé d’Artaquas jusqu’à la rivière
(1) Salsola aphylla. Linn. fils. Suppl, page 173.
(2) La grande ferme aux chevaux.
de Camtour, est depuis peu de tems couvert d’habitations 5 il
n’en existoit pas une seule il y a vingt-trois ans.
En“ 175o , le gouverneur Tulbâgh y envoya une karavanne
pour se procurer une conUoisance exacte du pays et de ses
habitans. Ce respectable gouverneur, dont les colons recon-
noissans conserveront long-tems le souvenir , ne s’oçcupoit que.
des moyens de concilier les intérêts de la Compagnie- avec le
bonheur de ses compatriotes, et essayoit de tems/en tems à
faire des découvertes et à pénétrer de plus en plus dans l’intérieur
du pays.
La karavanne dont il est ici question, étoit composée de
■ cent-cinquante soldats tirés de la garnison de la citadelle,
de deux bourgeois et d’un officier, nommé Beetlav, qui pré-
sidoit à l’expédition. La Compagnie fournit onze voitures, la
quantité suffisante de boeufs de trait, sans compter ceux qui
étoient destinés à être mangés j enfin les provisions et munitions
nécessaires. Les voyageurs dévoient pousser jusqu’au pays
des : C a fte s -, de-là à celui des Tambugis , et revenir, par Snee- '
berg et Camdebo. Mais ils manquèrent complètement leur but,
par la faute de l’officier, homme aussi stupide qu’orgueilleux.'
Il, traita tous ses compagnons de voyage avec une dureté révoltante.
Il fit battre la caisse le long de la route , de manière
que deux paysans chargés de fournir du gibier à la karavanne ,
ne purent tuer une seule pièce. Quand il s’agissoit de bivouaquer
quelque part, il faisoit, avec les voitures, une enceinte
circulaire, dans laquelle on enfermoit les animaux et on dressoit
le s . tentes.
Arrivé au pays des Caffnes, il donna un bonnet de grenadier
au capitaine , et un autre à son frère 3 ce qui excita une petite
guerre parmi les Caffres.
Sa plus belle opération et la plus utile pour le service de
la Compagnie-, fut d’en faire graver les armes sur une grosse