
C H A P I T R E I I I .
o Y A C i de Hollande en France, du 5.6 octobre
au 1er décembre. ,
L e 26 octobre je m’embarquai sur un vaisseau hollandois chargé
pour Rouen ; le port étoit rempli d’une multitude de ces barques
qui viennent vendre journellement dans la ville des fruits, du
lait, des herbes et d’autres comestibles. .
Le i er novembre nous mîmes à la voile, et le 5 nous arrivâmes
au Texel. L à , par l’entremise du commissaire Rosebom à Aus-
g e ll, où-tous les vaisseaux arrivant et partant font leurs déclarations
, on me rendit enfin mes malles : on s’étoit donné la peine
de les garder aussi soigneusement qu’inutilement pendant plusieurs.
semaines dans un vaisseau qui etoit retenu en quarantaine.
J’allai les chercher dans une charrette absolument semblable
à celles de Danemarck, qui ont une courbure sur le
devant. Un rempart ou une digue formée de pincettes de mer
accumulées (1) environne l ’île : le chemin en fait aussi le tour ;
il est assez élevé ,„longe le rivage de la mer, et consiste en
grande partie en terr'e glaise que les pluies consecutives de la
saison avoient considérablement détrempées. Cette île paroit
ê tre , comme une grande partie de la Hollande, au-dessous du
niveau de la mer : aussi cette riche contrée ne se préserve-t-elle
des inondations que par des digues immenses et superbes dont
l’entretien coûte annuellement des sommes considérables.
L ’eau , qui facilite tant le transport des marchandises, qui
en outre fertilise les prairies des Hollandois, qui est, en un mot,
la principale cause de leurs richesses, est aussi l’ennemi contre
(1) Zostera,
lequel ils sont continuellement obligés de se défendre. Les
digues qu’ils-Opposent à ce terrible élément sont souvent rompues
par des vents violons et des ouragans du nord-ouest. Alors
des villes et des cantons entiers se trouvent submergés, et les
habitans noyés ou ruinés.
Le terrain a rarement une certaine solidité, presque par-tout
il est léger et marécageux : ainsi on peut bien dire qu’il n’y a
pas de pays plus mal - propre de sa nature, et que , l’art, le
travail aient rendu plus agréable et plus florissant.
Je passai la nuit dans un village auprès duquel notre bâtiment
avoit mouillé, Les moules , les huitres (1) que j ’avois vu vendre-
à Amsterdam se mangent-là cuites ou crues et assaisonnées avec
du vinaigre , de l’huile et du poivre. La moule (2) , que l’on
trouve ici comme sur les autres côtes en abondance, sé cuit
ordinairement dans Peau pour que la coquille s’ouvre; on l’ accommode
ensuite à la sauce piquante, et c’est un mets très-
agréable et très-nourrissant. Les matelots alloient en chercher
tous les soirs plein des seaux, tant que le navire resta à l’ancre.
Ils mangent aussi, en guise de pain , des oignons-blancs, pelés
et cuits, des pois et d’autres alimens semblables. On ne trouve
pas sur eux la même propreté qu’ils, entretiennent si soigneusement
dans leurs’ navires , car il est difficile d’imaginer rien
de plus sale que leur manière de manger ; ils portent au plat
des doigts tellement enduits de goudron par le maniement continuel
des cordages, qu’ils paroissoient à l’ abri de toute espèce
de pourriture.
Le i 3 novembre, comme nous étions encore à l’ancre , le
soir, tout paroissoit fort calme ; tout à coup on entendit un
mugissement du côté de la pleine me r, l’eau monta au niveau
du rivage , et étinceloit comme le feu , quand on l’agitoit avec
(1) Mytilus et ostrea edulis, (2) Mytilus edulis.