
couverts de fumier de mouton , de l’épaisseur d’un pied.
Les champs à bled, les vignes, les jardins constituent la plus
grande richesse des fermes voisines de la ville et du port. On
y recueille le meilleur v in , parce que les raisins y sont plus
gros , et mûrissent mieux qu'ailleurs. Ces colons sèment peu
de grains, et abandonnent cette culture à ceux qui habitent
plus ayant dans l’intérieur. Comme ils possèdent une grande
quantité de terres, celles à bled se reposent plusieurs années
de suite 5 quand il s’agit de défricher une terre qui est restée
ainsi en jachère pendant plusieurs années, c’est une opération
extrêmement pénible 3 on lui donne la première façon au njois
d’août 5 on y passe encore la charrue au mois de mai suivant,
et ensuite on sème. La charrue d’Afrique est montée sur deux
roues de grandeur inégale.
Les villageois font secher des raisins et différens autres fruits,
pour les gens de mer 3 ils vendent leurs denrées et marchandises
aux bourgeois du Cap ou à la Compagnie. Mais il leur est. défendu
de faire la moindre fourniture aux étrangers. Quoiqu’ils
aient des vivres au-delà de leur nécessaire, ils manquent souvent
de meubles ; quelques-uns sont obligés de faire eux-mêmes leurs
chaises et leurs tables qu’ils couvrent de peaux de veaux ou
de nattes ; ils battent et unissent le terre - plein de leurs
maisons, pour le durcir, et y versent de la fiente de vache ,
délayée avec de l’eau ou du sang de b oeuf3 ce qui le rend un
peu glissant.
C H A P I T R E V I I I .
JH au R s , usages , commerce et industrie des habitans du Caps
L es étrangers qui viennent s’établir au Cap, y vivent à leur
guise3 ils ont, comme en Hollande, la liberté d’exercer un mé.-
tier, ou de faire le commerce 5 ils emploient même ces deux
moyens de subsister.
A l’époque de mon séjour dans cette ville , .les François y
étoient peu considérés3 d’abord, parce que, débarquant presque
toujours sans argent, ils prenoient tout à crédit, et payoient
en lettres-de-change. En outre les habitans craignoient toujours
qu’ils ne s’emparassent de l’établissement par un acte^d’hostilité
imprévu j tandis que l’on n’avoit pas les mêmes craintes de la
part des Anglois alliés de la Hollande, Un officier François, décoré
delà croix de S. Louis , et très-proprement habillé, étoit fort
peu regardé , tandis qu’on témoignoit beaucoup de considération
à un pilote anglois couvert d’un habit très-simple, et 'avec des
cheveux plats. A la vérité celui-ci a la bourse bien garnie, et
sa nation est amie des Hollandois. Cependant, de tous les Européens
, les François étoient ceux qui contribuoient le plus à
enrichir les habitans du Cap. Etant, obligés, de prendre à crédit,
ils payoient beaucoup plus cher tout ce' dont ils avoient besoin 5
ce qui montoit très-haut, parce qu’il leur falloit considérablement
de marchandises pour leurs bâtimens et pour la garnison
de l’ïsle de France.
Ces observations ne doivent pourtant pas donner une opinion
désavantageuse de l’hospitalité et de la politesse des habitans
du Cap. Leurs formules sont assez simples : le maître de la maison
va au-devant de ses hôtes, leur serre la main en les saluant
, leur souhaite le bonjour , et leur demande des nouvelles