
La charge de sabandar (1) est très-importante et lucrative ;
c’est à cet officier que doivent s’adresser tous les étrangers
pour se procurer ce dont ils ont besoin , soit pour eux-mêmes,
soit pour le ravitaillement de leur vaisseau. Celui qui remplissoit
de mon tems cette charge importante , se nommoit Boer ; il
fréquentoit la maison de M. Radermctcher, son ami et le mien :
il me témoigna la plus grande bienveillance ; entre autres services,
il me procura , à titre d’emprunt de bodmeri , plus de
mille rixdalles, avec lesquelles j’achetai des cornes de licornes
(2); que l’on vend très-avantageusement au Japon.
Avant de passer outre , l’espèce d’emprunt dont je viens
de parler mérite quelques éclaircissemens : l’emprunt par bodmeri
est toujours à un taux très-haut , mais qui diffère selon la longueur
des voyages et les dangers à courir avant que le vaisseau
soit arrivé à sa destination. Comme les côtes du Japon passent
pour les plus périlleuses de toutes les Indes Orientales!; celui
qui emprunte pour ces parages ne paie pas moins de 20 à i 5
pour cent : la somme se compte au retour à Batavia : si le bâtiment
vient à échouer ou à périr, le débiteur n’est pasvpbligé
de tenir compte du capital qu’il a emprunté à si gros intérêts.
Le commissaire des naturels a vraisemblablement un des
emplois les plus importans , puisque tous les habitans de l’île
ont-affaire à lui; c’est lui qui leur achète le café, le sucre, les
nids d’oiseaux, et autres productions du pays : il se fait un
revenu immense , tant par les marchandises qu’il achète , que
par l’intérêt excessif de l’argent qu’il avance aux habitans.
' (1) Introducteur ou ministre des
étrangers. Ils sont deux ; le sabandar
des Chrétiens, et celui des Payens. Le
premier est chargé de tout ce qui re garde
les étrangers européens j le
gecofld a le détail de tontes les affaires
relatives aux diverses nations de Fln-
de , en y comprenant les Chinois.
Voyage autour du monde, -par Bougainville
, t. I I , p. 356. Note du rédacteur.
(2) XJniçomu vgrumt
Le
■ Le militaire est composé d’Européens et d’indiens que l’on
-recrute et que l’on exerce , sans compter les bourgeois et Iss
■ Chinois qui, eu tems de guerre, sont obligés de faire le service.
Les ^ officiers de Batavia ainsi que ceux des autres
-comptoirs de l’Inde, sontregardés comme une classe d’employés
que la Compagnie salarie pour la défense de ses é ta b lis s e n t .
" D apres cette dehmtion , l’on ne doit pas s’étonner de ce qu’ils
,' ent aucune part à l’administration ni au commerce, et qu’ils
tt aillent pas de pair avec les chefs de la Compagnie, qui sont
infiniment plus eonsjderée à cause de leur utilité pour les opé-
rataons commerciales. ’■* r
■ M I N d,°nt , e ? ombre est bien diminué,.à l’arrivée dés
— 8 qm amènent d’Europe , tant par la-mauvaise
umture que par les maladies qui régnent à bord , sont ici
I W M a* ssi g g É jg É à l’humanité qu’aux in-
j j | | | Compagme- Ceux duî "Mt envoyés par les vendeurs
de chmr humaine ne jouissent pas long-temps des appointemens
qu on leur a accordes a leur départ , et alors ils sont réduits à
.treize sols de Hollande par jour; l’on retient même la majeure
partie de leur solde pour l’habillement. Ceux qui ont échappé
« maladies , conservent lapâleur de la mort, et une maigreur
effrayante ; ce sont de véritables squelettes ambulans.
, Dans les commencemens de l’ établissement des Hollandois
a Batavia , peu de personnes bien nées et aisées se hasardoient
a venir dans un pays que l’on regardoit comme aussi dangereux
que le voyage même qu’il falloit faire pour s’y rendre • aussi
la majeure partie des équipage* étok-elle composée de scélérats
poursuivis en Europe pourleurs crimes, et qui cherchoient
a se soustraire à la juste rigueur des loix, ou-bien de malheureux
, qui , ayant tout perdu et n’entrevoyant qu’un triste
avenir, alloient chercher la fortune ou la mort. Ces derniers
réussirent et furent élevés aux premières dignités; quelques-uns
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