
C H A P I T R E VI.
H Ci y A g e de Hollande au Cap de Bonne - Espérance :
du 1 a décembre 1J71 au 1y avril i//2.
D ej-tti s mon premier voyage à Amsterdam, et pendant mon
séjour à Paris , le professeur Burmann , chez qui j’avois passé
des momens si agréables , avoit parlé de moi à des Hollandois
opulens y il leur avoit vanté mes oonnoissances en histoire naturelle,
de manière éprouver l’utilité dont je pouvois être à des
amateurs d’arbres et de plantes rares , qui voudroient me faire
voyager à leurxdépens, sur-tout si je pouvois parcourir quelques
parties septentrionales de l’Asie, particulièrement le Japon,
dont on ne possédoit encore aucune plante en Europe , quoiqu’il
y eût-tout lieu de croire qu’elles y réussiroient aussi bien que
celles. qu’on avoit apportées en dernier lien de l’Amérique
septentrionale , en très-grande quantité.
Il n’en fallut pas davantage pour déterminer de riches amateurs
,' qui n’épargnoient rien quand il s’agissoit d’enrichir leurs
jardins et leurs campagnes , à me procurer les fonds et les
recommandations nécessaires à faire un voyage au Japon.
Comme les Hollandois sont les seuls Européens à qui l’entrée de
ce royaume soit permise , il étoit indispensable , non-seulement
que j’entendisse bien le hollandois, mais que je le parlasse
couramment. C’est,pourquoi je demandai à entrer au service
de la compagnie hollandoise , et à faire un séjour de deux ans
au Cap de Bonne - Espérance, avant de pousser plus loin mes
courses.
Cette compagnie fait des armemens pour lés Indes orientales,
à trois différentes époques de l’année ; mais la flotte la plus considérable
part au mois de ■ septembre, et se nomme flotte de
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Kermès; la seconde, un peu moins forte , met à la voile avant
les fêtes de Noël, dont elle porte le nom; la troisième, appellée
flotte de Pâques j est prête vers cette époque.
La première se trouvant toute disposée à mettre à la voile ,
et n’ attendant qu’un vent favorable auprès de l’île de T ex e l,
et la seconde étant munie de tous ses officiers , il fut décidé
que l’on me coucheroit sur l’é ta t, comme Chirurgien surnuméraire
des vaisseaux destinés pour le Cap de Bonne-Espérance.
N’ayant pas contracté d’engagement, je fie deyois faire de service
qu’autant que je le voudrois bien. J’âvois , én outre , l’avantage
de pouvoir rester trois années entières et consécutives au
Cap , sans être obligé de partir avec les vaisseaux qu’on expédie
de là dans différentes contrées.
Je montai donc 1 e vaisseau Schôohzigt, capitaine Rondecrantz,
Suédois, né près de Calmar.
Je consacrai le peu de teins qui mê restoit, à bien connoître
la force et les intérêts de la compagnie hollandoise dés Indes-
orientales , le régime de ses vaisseaux, de ses' étâblissemens,
et de ses comptoirs dans les Indes.
Le 6 décembre, on fit la revue de l’équipage de notre vaisseau
, et tout le monde prêta serment dans l’hôtel de la compagnie
des Indes, Ensuite on transporta tous les ballots, à bord.
Les caisses, dont on paie le transport, portent la marque de la
compagnie , appliquée avec Un fer rouge ; les barques même du
vaisseau les y transportent. On ne donne au soldât qu’un petit
coffré y d’environ une aune en quarré, pour cacher son misérable
butin ; un plus grand, du double , au matelot, qui a besoin
de changer d’habit plus souvent que l’autre 5 un ou plusieurs
aux officiers, outre les tonneaux dé bière-, les paniers, les cantines
, tant pour les marchandises , que peur les comestibles.-
La plupart savent aussi le moyen de charger pour leur compte,
des provisions et des ballots.
Chaque vaisseau est monté de plus de cent matelots, et de