
La plus grande hiérarchie règne ic i, elle se fait ressentir partout
, jusque dans les équipages. Il n’est permis qu’aux personnes
d’un certain rang d’en avoir de dorés. Les bourgeois se
contentent de-les faire peindre ou les laissent tout unis. Les
étrangers, et même les bourgeois à qui leurs facultés ne permettent
pas d’avoir voiture toute l’ année peuvent en louer
une au mois ,. à la semaine et même à la course. A la vérité, les
loueurs de voitures et de chevaux demandent des prix exhor-
bitans, et ce métier lucratif les a bientôt enrichis.
On rencontre ici peu de têtes à perruques ; presque" tous
les Européens portent leurs cheveux démêlés et non frisés , et
se servent rarement de poudre.
Les femmes ne porten-f ni bonnet, ni chapeau ; elles se font
oindre les cheveux avec de l’huile sans poudre , et les roulent
en gros noeuds sur le sommet de la tête. Elles y mêlent des bijoux
et des guirlandes de fleurs très-odoriférantes.
La fleur qu’elles adoptent par préférence pour cès sortes de-
guirlandes , sont celles du mogori ou jasmin des Arabes (1),
passées, dans un fil. On apporte de ces fleurs' fraîches chaque
jour à la ville. Il s’en fait une grande consommation. Chaque-
soir que les femmes sortent, elles n’oublient pas cet ornement ,
qui donne à certains -égards un nouveau charme- à leur société,
L’odeur ressemblé à celle de la fleur d’orange et du citron , et
se répand dans tout le logis.
On ne doit'pas s’étonner de ce que, dans un climat aussi brûlant
, les Européens aient contracté l’habitude de dormir une-
couple d’ heures après leur dîner, c’est-à-dire,pendant la plus-
vive chaleur de la journée. Un. esclave debout auprès du sopha
chasse les mouches avec un grand éventail et procure une-
agréable fraîcheur à son maître endormi.
Les nuits et les jours sont' à-peu-près égaux durant toute
(1) N y c t a n t h e s S a m b a c . Lin. M o g o r i u m sambac. Illust; tab. 6; f. 1. L a r r v .
I année ; le soleil se lève et se couche à six heures. Comme il
darde ses rayons presque perpendiculairement, on n’a pas ici
les. belles soirées de nos pays septentrionaux; car à peine a-t-il
passé dessous l’horison, qu’on se trouve dans l’obscurité , et.
l’ air est frais toute la nuit.
Cette fraîcheur auroit bien plus d’agrément sans l’inquiétude
-et.le tourment-continuel que vous causent les insectes (1)..
- Non-seulement leur bourdonnement éveille le dormeur le
plus profondément enseveli dans le sommeil, mais en outre
leurs piquures causent des ampoules terribles et monstrueuses
qui vous rendent le visage tout boursouflé. Voilà ce qui em-
pêche que l’on n’ouvre les portes jdos appartenions ou les
fenêtres ; et quand on s’y décide-, .il faut chasser bien soigneusement
tous les cousins. Ils tourmentent encore plus les. étrangers
que les naturels , à leur arrivée dans l’île-; mais après-
quelques semaines de séjour, ils perdent les faveurs importunes
de ces insectes , qui trouvent sûrement une saveur toute
particulière à leur sang scorbutique ; l’enflure" devient d’autant
plus considérable , que leurs pores sont plus salés et leur peau
plus mal-propre.
Les lits sont ordinairement garnis d’un matelas, de quelques
oreillers, d’un drap de dessous et d’une légère couverture d’indienne
non doublée.
Tous lès soirs, depuis six heures jusqu’à neuf, les Européens
se reunissent dans diflereiites maisons de la ville pour y fumer
boire quelques rasades de bon vin rouge , et se délasser ainsi
des fatigues de la journée. Ils n’ attendent pas une invitation
pour aller voir leurs amis ; mais au coup de neuf heures chacun
se retire chez soi, à moins qu’il n’ait été retenu particulièrement
pour souper. Chaque maître a plusieurs, esclaves qui
-(]) Muscito,
D d d