
5 9 Î H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
*"* *“ pondit en colère : Tous les autres me fon t juftice , il
N' ï 7 7 * n’y a que vous qui me la refufez. Mais je fçai bien ce
que je ferai pour vous décrier parmi le peuple ,
faire connoîtreà tout le monde votre injuftice. J ’af-
femblerai le peuple de Tours , & je leur dirai : Criez
contre Grégoiref qui ne fait juftice à perfonne : puis
quand ils crieront a in fi, je leur répondrai : Moi-même
, tout roi que je fu is , je n’en puis avoir juftice. Sk
je fuis injufte, reprit Grégoire-, celui-là-le.fçait;, qui;
connoît le fecret des coeurs. Pour ces cris du peuple,.
i qn fçaura bien que vous les aurez excitez, & ils vous
nuiront plus qu’à moi. Mais à quoi ferttout ce dif-
cours, vous avez la loi & les canons, examinez-les; .
& fi vous ne les obfervez;, fçachezque le jugement •
de Dieu vous menace.
Alors le roi voulant l’adoucir, lui fnohtra un potage
qu’on avoit mis devant lu i , & dit : Je l’ai fait
préparer pour vous. I l n’y a que de la v o la ille , &
quelque peu.de: poix chiches. Il faut croire que Grégoire
, comme la plupart des faints évêques , vivoit ;
ordinairement de legumes, & mangeoit plûtôt de la .
volaille que de la groife vian de, comme moins nour-
riffante. Voïant donc que le roi voulo itlè flater , f fi
dit : Notre nourriture doit, être de faire en toute occa-
fion la volonté de Dieu, fans nous arrêter à ces délices.
Mais vous qui accufez les autres d’injuftice,pro*
mettez de ne point tranfgreiTer la loi* ni les canons..
Le roi étendit la main, & en jura par le Dieu tout- .
puiffant. Puis Grégoire prit du pain & du v i a , .& fe.;
retira.
La nuic-j après que l’on eut chanté les no&urnes |
Grégoire entendit frapper rudement à fa porte, i l
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L i v r e t r e n t e q u a t r i e ’ m e . 597
c iivoïa .ouvrir, c’étoit des gens de la part de Fredc-
gond e, qui venoient le prier de ne lui être point,
contraire , &.lu i promettoient deux cens livres d’argent
, s'il faifoit condamner Prétextât : difant qu’ils
avoient déjà parole de tous les autres évêques. Grégoire
répondit : Quand vous me donneriez mille
livres d’or & d’argent ■. puis-je faire autre chofe que
ce que Dieu commande ? Je vous promets feulement
de fuivre ce que les autres ordonneront félon les canons.
Les ènvoïez de Fredegonde aentendant pas
ce qu’il vouloit dire, le remercièrent & fe.retirerent.
Le matin quelques évêques le vinrent trouver , pour
lui fàire:une.femblable proposition, ,& il leur répondit
de même.
Quand ils furent affemblez dans l’églife de faint
Pierre,.le roi s?y trouva dès lé matin, & leur dit :
Un évêque convaincu der larcin .doit ê.tre dépofé
fuivantdes--canons».. Ils demandèrent qui étoit l’évê-
que accufé dé larcin. Le roi-répondit : Vous avez vu.
lès chofes qu’il nous a dérobées. En effet, il leur avoir,
montré trois jours auparavant deux balots pleins de.
diverfes ehofes précîeufes, cftimez. plus de; trois mille
fous d’o r, & un fàc qui ca contenoit en efpeces envi-
ro a deux mille : difant que tout cela lui avoit été pris
par Prétextât. Je c ro i, dit Prétextât, que vous vous
fbuvenez , que quand la reine Brunehaut partit de
R o u en , je vins vous trouver, & vous dis que j’avois
en dépôt cinq balots de les meubles : que fes gens
venoient fouvent me les redemander , &c que je ne
voulois pas les rendre fans votre ordre. Vous me dîtes:
Rendez à cette femme tout ce qui lui appartient, de
peur que ce ne foit une caufe d’inimitie entre, moa
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XXXIIÎ.
Seconde féance