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fentcment du métropolitain, qui étoit abfent. Le
concile aïant dépofé Emerius, élut en fa place He-
racLius prêtre de l’églife de Bourdeaux ; & les évêques
envoïerent au roi C h arib e rt, le décret de l’é-
leélion , foufcrit de leur main. Le prêtre qui le por-
toit étant arrivé à Tours , raconta à l’archevêque
Eufronius la chofe comme elle s’étoit pailée , le
priant de foufcrire auffi le décret : mais Eufronius le
refufa ouvertement : prévoïant fans doute le fcan-
dale que caufefoit cette éleétion. Quand le prêtre
fut à Paris , & en prefence du r o i , il dit : Seigneur,
le ilege apoftolique vous faluë. C ’étoit le ftyle du
tem s, de nommer apoftoliques tous les iîeges épif-
copaux , principalement les métropolitains, & tous
les évêques papes. Mais le roi feignant de ne pas
l’entendre , dit au prêtre ? Avez-vous été à R om e ,
pour me faluer de la part du pape ? Il répondit : C ’eft
vôtre pere Leonce qui vous faluë avec les évêques
de fa province, vous faifant fçavoir qu’Emerius a
été dépofé de l’évêché de Saintes qu’il avoit obtenu
par brigue contre les' canons. C ’eft pourquoi, ils
vous ont envoie leur décret, pour en mettre un autre
à fa place : afin que le châtiment de ceux qui
violent les canons attire la bencdiéfcion fur vôtre
regne. A ces mots le roi fremiflant de colere com-
manda qu’on l’ôtât de fa prefence, qu’on le mît dans
une charette pleine d’épeines , & qu’on l’envoïât en
e x i l , & ajouta : Penfes-tu qu’il ne refte plus de fils
du roi Clotaire , qui maintienne fes a& io n s , pour
çhaffer ainfi fans nôtre ordre uri évêque qu’il a choi-
fi î II envoïa aufli-tôt des ecclefiaftiques pour rétablir
Emerius dans le fiege de Saintes, & des offi-
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ciers de fa chambre , qui firent païer à l’archevêque
Leonce mille fous d’o r ,& aux autres évêques du concile
à proportion de leurs facultez. Emerius demeura
donc évêque de Saintes &c il y a apparence qu’il fe Fortuit, lib, X.
réconcilia avec Leonce , puifque Leonce à fa priere *rm' *’
acheva l eglife de S. Bibien, commencée par Eufebe
prédeceffëur d’Emerius. Placidine femme de l’archevêque
Leonce contribua à fournir l’argent pour l’ornement
du fepulchre de ce faint 5 & prit part avec
fon époux à la décoration de plufieurs autres églifes.
Elle étoit d’une grande vertu ôc d’une grande noblef-
fe defcenduë de l’empereur Avitus.
Vers ce tems arriva la converfion des Sueves, m
qui étoient Ariens, & établis en Galice depuis plus d's
de 150. ans. L e roi Charraric ou Theodomir avoit Greg. miruà. S.
un fils malade , & réduit à une telle extrémité, qu’il Marr'
lie refpiroit que foiblement. Alors le roi dit aux
fîens : Ce Martin que l’on dit qui fait tant de miracles
en Gaule, dites-moi, je vous prie, de quelle religion
il étoit. On lui répondit : il étoit évêque , &
enfeignoit à fon peuple que le Fils doit être honoré
également avec le Perë & le faint-Efprit, comme
étant égal en fubftance. S’il eft ainfi , reprit le ro i,
que quelques-uns de mes fideles amis aillent jufques
à fon temple , portant de grands prefens ; & s’ils obtiennent
la guerifon de mon fils , je croirai ce que
ce faint a cru , après m’êjyre informé de la foi catholique.
Il fit donc pefer de l’or & de l’argent autant
que pefoit fon fils, & l’envoïa à Tours au fépulchre
de faint Martin. Les envoïez-étant revenus rapportèrent
au roi qu’ils y avoient vû faire plufieurs miracles,
& ajoutèrent : Nous ne fçavons pourquoi vôtre