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/7 '8 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q t t r ,
excès d’humilité , s’en croïoient indignes d’autres
demandoient d’être tourmentez en cette vie , pour
obtenir mifericorde en l’autre. La plûparc accablez
de rernors , difoient qu’ils ièroient contens d’être
privez du roïaume cclefte , pourvu qu’ils fuiTcnt
exempts des peines éternelles. Je leur ai oiii tenir
des difcours capables d’exciter à componétion les
pieres mêmes. Nous fçavon s, difoient-ils, qu’il n’y
a point de fupplices dont nous ne foïons très-dignes ;
& que nous ne pouvons fatisfaire à la multitude de
nos dettes, quand nous aifcmblerions toute la terre
pour pleurer avec nous. Nous vous fupplions fem-
lemen t, Seigneur , de ne nous pas punir dans toute
la rigueur de vos jugemens, mais avec mifericorde-:
car nous n’ofons demander d’être entièrement délivrez
des peines. De quel front le pourrions-nous faire
après avoir manqué à nos promeffes, & abufé- du.
premier pardon*
Là on voïoit accompli au pied de la lettre , ce
que dit David. Des hommes courbez & abattus de
trifteife , -dont-lés corps étoient déjà pleins de corruption
; & qui n’en prenant plus- aucun foin , ou-
bhoiént là nourriture, mêloient: de leurs larmes l’èau
qu’ils buvoient , & mangeoient la cendre avec leur
pain : leur peau étoit attachée aux o s , &c fechée
comme l'herbe. Vous n’y entendiez que ces paroles :
Malheur , malheur à moi. Pardon, pardon, Seigneur
, mifericorde. Faites-nous grâce s’il eft pof-
lîble. Vous en auriez vu la langue brûlante hors de la
bouche : les uns qui s’expofoient au foleil le-plus ardent
, les autres au plus grand froid de la nuit. Après
avoir goûté un peu d’eau, pour ne pas périr de fo if .
L i v r e t r e n t e -Qv a t r i e ' m e . ^79
ils s’arrêtoient. Après avoir pris un peu de pain , ils
jettoient bien loin le refte , fe jugeant indignes de la
nourriture des hommes, puifqu ils avoient agi contre
la raifon. Comment y auroit-il place chez eux
pour les ris ou les paroles oifeufes , ou la colere, ou
la contradiétion, ou la confiance , ou la jo ie , ou la
vaine gloire ? Ils ne s’avifoient pas de juger per-
fonne : & n’étoient occupez ni du foin de leur corps
ni d’aucune chofe de cette v ie : on n’y entendoit que
des prières. »,
Ils avoient toujours la mort devant les yeux , &
difoient : Que deviendrons-nous ? Quelle fera lafen-
tencei? Quelle fera notre fin ? Y a-t-il encore quelque
efperance de pardon ? Notre priere a-t-elle pû être
adrnife devant Dieu , ou a-t-elle été rejettée comme
elle le merite ? Quelle force peut-elle avoir en fortant
de levres fi impures ¡N o s anges gardiens fe font-ils
rapprochez de nous pour prefenter nos prières ?
Puis ik fe demandoient l’un à l ’autre : Mes freres
avançons nous quelque chofe ? Obtiendrons-nous ce
que nous demandons ? Que fçavons nous fi Dieu ne
ie laiifera point fléchir ? Faifons toujours notre devo
ir , Ôc frappons à la porte, jufqua la fin de notre
vie. Courons, mes frçres, il faut courir & de grande
force : n’épargnons point cette malheureufe cha ir,
de peur qu’elle ne nous donne la mort. Ainfi par-
loient ces faints penitens.
Us avoient les genoux endurcis, les yeux creux ,
les joues enflammées de leurs larmes, & toutefois les
vifages pâles, la poitrine meurtrie de coups, & quelquefois
ils en craçhoient du fang. Ils ne connoif-
ioient ni l’ufage des l i t s , ni la propreté dans leur
D d d d ij