
4 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
un homme ou une femme y entrer avec l'habit de
leur nation, leur jettoient iur la tête de petits bâtons
dentelez, dont ils leur entortilloient les cheveux : 6c
les tirant avec force arrachoient la chevelureavec la
peau de la tête. Quelques-uns perdirent les yeux ,
d’autres moururent de douleurs : plufieurs furvecu-
rent long-tems. On menoit par la ville des femmes
avec leur tête ainfi ecorchce, precedees d un crieur,
pour les montrer à tout le peuple, mais cette cruauté
ne fit quitter à perfonne la vraye religion.
Alors Huneric s’avifa d'oter les penfions aux catholiques
qui étoientà fa cou r, 6c de les envoyer travailler
à la campagne. Ainfi des hommes nez libres 6c
délicats furent conduits dans les plaines d’UtiqUe
pour couper les bleds à la plus grande ardeur du fo-
leil Un d’eux avoir la main feche depuis long-tems;
ôc comme on le forçoit à travailler nonobftant une
excufe fi légitimé, il fut guéri par les prières de tous
les autres. T e l fut le commencement de la perfecu-
tion d ’Huneric. Il étoit cruel même envers lesfiens;
car pour aiTurer le royaume à fes enfans, il fit mourir
fes autres parens les plus proches. Il fit brûler un
évêque Arien nommé Jo co n d u s , qu’ ils appelaient
leur patriarche, 6c plufieurs de leurs prêtres 6c de
leurs diacres.
Environ deux ans avant la perfecution générale,
plufieurs perfonnes eurent des vifions qui furent
prifes pour des avertill’emens du ciel. L ’un v it l’é-
glife de F au fte , alors la principale de C a rth ag e ,
ornée à l’ordinaire, tapiifée 6c éclairée d’un grand
nombre de cierges 6c de lampes ; mais comme il
s’en réjouiiToit, tout d’un coup ces lumières furent
L i v r e T r e n T i e ’m e . . y
éteintes, 6c fuivies de tenebres 6c depuanteur, 6c
une multitude de gens vêtus de blanc, qui écoient
dans l’églife, en fut chaifée par des Ethiopiens. Celui
qui avoit eu cette vifion laraconta à l’évêque Eugène,
en prefence de Viékor évêque de V ice, qui a écrit
cecce hiftoire. Un autre v it un grand monceau de
bled encore mêlé avec fa paille, dont un grand vent
d’orage emporta toute la paille , 6c laiiTa le grain :
enfuice vinc un grand homme d’un vifage 6c d’un
habit é c la tan t, qui commença à nettoyer le grain ,
rejetcanc tout ce qui étoit maigre 6c mal nourri, en
forte qu’il le réduific à un petit monceau. L ’évêque
Quintien crut être fur une montagne, d’où il voyoit
un troupeau innombrable de brebis, 6c au milieu
deux chaudières bouillantes, avec des bouchers, qui
tuoient ces brebis 6c les jettoient dans ces chaudières;
enforteque tout le troupeau fut confumé. Quelques
autres eurent des vifions femblables.
Huneric ordonna d’abord que perfonne n e fe rv ît „
dans fon palais, ou n’exerçât de fon¿lions publiques,
qu’il ne fût Arien : 6c il y en eut un grand nombre qui
renoncèrent à leurs charges pour conferver la foi. Il
les chafla enfuite de leurs m aifon s ,le s dépoüilla
de tous leurs biens, 6c les relégua enSicile-ôcenSar-
daigne. il ordonna auiïi que les biens des évêques
catholiques appartiendroient au fife après leur mort,
6c qu’on ne pourrait ordonner le fucceiTéur, qu’il
n’eût payé au fife cinq cent fols d’or. Mais fes do-
meftiques lui reprefentérent, que l’on traiterait de
même, ou plus rigoureufement les évêques Ariens en
Thrace 6c ailleurs : ce qui l’obligea à révoquer cette
ordonnance. Il fit enfuite affembler les.vierges fa-
A iij