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l’avoir appelle, ôc ne voulant point quitter leurs
mauvaifes habitudes, ils refolurent de s’en défaire, ôc lui donnèrent du v in empoifonne. Comme il
étoit à table, on lui prefenta le verre à bénir fuivant
la coûtume du monaftere ; il étendit la main ôc fit le
figne- de la croix : aufli-tôt le verre quoiqu’éloigné ,
le cafta comme s’il eût jette une pierre L’homme de
Dieu comprit ce que c’é to it, ôc fe levant aufti-tot , il
appellales moines, ôc leur dit dam vilage tranquille :
Dieu vous pardonne, mes freres , pourquoi m’avez-
vous voulu traiter ainfi ? Ne vous avois-je pas d i t ,
que nous ne pouvions nous accommoder? Allez,cherchez
un fuperieur qui vous convienne. Alors il fe retira
à fa chere folitude.
Il y demeura lon g-tems, ôc devint encore plus célébré
par fes vertus ôc fes miracles, qui lui attirèrent
tant de d ifc ip le s , qu’il bâtit douze monafteres , en
chacun defquels il mit douze moines lous un fuperieur.
On en marque encore les lieux Ôc les noms, il
retint feulement avec lui quelque peu de moines,
qu’il croyûit avoir encore befoin de fon inftruélioR»
Les plus nobles de Rome venoient à lu i, ôc lui don-
noient leurs enfans à élever. Amii Equitius lui donna
fon fils M au r, ôc le patriceTertullus Ion fils Placide
encore enfant. Un jour le jeune Placide alla
puifer de l’eau dans le lac : mais ayant trop enfoncé
le vafe , il tomba lui-même dans l’eau , qui l’emporta
loin de terre , environ la porrée d’un trait.
Saint Benoît qui étoit dans le monaftere, le connut
au flî-tô t, ôc appellant Maur , il lui dit : Mon frere,
courrez v îte , cet enfant eft tombé « dans l’eau.• MC au>r'
lui ayant demandé fa bénédiction , courut juiqua.
L i v r e T r e n t e - D e u x i e ’m e . î.99
l ’endroit où l'eau emportoit Placide , ôc l’ayant pris
par les cheveux , il revint avec la même diligence.
Si-tôt qu’il fut à terre il regarda derrière lui , ôc
voyant qu’il avoit marché fur l’eau , il en fut épouvanté.
Il raconta lacho fe à faint Benoît, qui attribua
ce miracle à fon obéïflance : mais faint Maur,
l ’actribuoic au commandement de fon maître , fou-
tenant qu’il n’avoit pas fait un miracle fans s’en ap-
percevoir. Placide décida la chofe, en difant: Lorf-
qu’on me tiroit de l’eau, je voyois fur ma tête la melote
de l’abbé , ôc lui-même qui me tiroit. La me- Sup.liv. xx.w.8«
lote étoit une peau de mouton , quedes moines por-
toient fur les épaules. Quant a faint Placide, il etoit
fî jeune que l’on peut croire qu’ il n’avoit pas encore
l’habit ôc la tonfuremonaftique.
Quelque tems après faint Benoît cédant à l’envie
d’un prêtre nommé Florentius, laifla tous fes mo- «?•*•
naftere.s, fous les fuperieurs qu’il leur avoit donnez
ôc fe retira avec quelque peu de moines. Paflant
d’un lieu en un autre, il vint à C a flîn , petite ville' fur
le penchant d’une haute montagne , dans le pays des
Samnites. Il y avoit un très-ancien temple d’Apol- v. iur. Italie.
Ion, que les payfans adoroient encore ; ôc tout au- * ‘ '
to u r , des bois confacrez à l’idole, ou ils faifoient des
facrifices. Saint Benoît y étant arrivé , brifa l’idole ,
renverfa l’au te l, coupa les bois -, ôc dans le temple
même d’Apollon bâtit un oratoire de faint Martin ;
ôc un de faint Je a n , à l’endroit où étoit l’autel des
idoles ; ôc par fes inftruèbions continuelles, attira a
la foi tout le peuple d’alentour. Il y bâtit un monaf-
tere où il demeura depuis , ôc qui fut le plus fameux
de fa regle. On en rapporte la fondation à l’an 519»