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3 7 4 H i s t o i r -e E c c l e s i a s t i q u e .
me très-ferme, & une indultrie finguliere pour réuf-
S 7 fîr en toutes fes entreprifes. Ses libcralitez étoient fi
grandes, que toutes les fois qu’il fortoit il étoit fuivi
d’une grande multitude. Il avoit D , ' tout ce q1ui fait aimer,
& faifoit plaifir a voir 8c a entendre. Quoique
d’un naturel ardent, il ne laiifoit pas d’avoir beaucoup
de douceur 8c de modeifie. Il oublioit aifément
tm f .s t ir - c .'n o - les injures,avoit grande compaflion pour les pecheurs,
& le don des larmes.
La première année de fon pontificat, les habitans
Evagr. v. c. 7. de la grande Arménie,nommez alors Perfarmeniens,
fecouerent le joug des Perfcs dont ils étoient fujets :
depuis qu’ils furent cedez à Sapor par l’empereur
Philippe. Comme ils étoient chrétiens , 8c que les
Perfes les maltraitoient, principalement au fujet de
la religion , ils députèrent fecretement à l’empereur
Ju ft in , le fuppliant de les recevoir pour fujets, afin
quils pulfent fervir Dieu librement. Juftin l’aïant
accepté 8c traité avec eux par é c r it , ils tuërent leurs
gouverneurs, 8c fe déclarèrent pour les Romains. Le
roi de Perfe Cofroés s’en plaignit : mais Juftin lui en-
voïa dire que la trêve étoit expirée ; & qü’il n’étoiï
pas raifonnable d’abandonner des chrétiens qui a-
voient recours à des chrétiens en tems de guerre.
.xheoth.f. toi. Ainfi la paix fut rompue la feptiéme année de Ju ftin
J 7 i . de Jefus-Chift. Mais au lieu de fe prépa-
c.f. rer à la guerre , il continua de s’abandonner à fes
plaifirs. Il ne fçavoit pas même ce qui fe paffoit en
fon armée , & ce fut par le patriarche Grégoire qu’il
apprit le mauvais état du fiege de N ifib e , formé par
les troupes Romaines. L ’évêque de, Nifibe étoit ami
.d é Grégoire , dont il avoit reçû de grandes liberali-
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tez, & d’ailleurs il voïoit avec indignation l’infolen-
ce des Perfes, dont il écoit fujet, envers les chrétiens.
Il defiroit donc de voir fa ville fous l’obéiifance des
Romains, 8c avertifloit ponétuellement Grégoire de
tout ce qui fe paifoit chez les ennemis. Mais l’empereur
Juftin ne vouloit point croire ces nouvelles de-
fagréables ; 8c en profita fi m a l, que les Perfes ravagèrent
impunément les terres des ft.omains , brûlant
8c tuant par tout fans refîftance. Ils s’avancefent jufques
à Antioche, qui fut abandonnée prefque de
tous les habitans, 8c demeura fans défenfe. Le patriarche
s’enfuit,emportant le tréfor de l’églife : l’empereur
Juftin aïant enfin appris ces fàcheufes nouvelles
, fans en pouvoir douter : en fut tellement con-
fterné , qu’il en perdit l’efprit.
Après Grégoire, faint Jean Climaque fut abbé
du Mont Sina , foit immédiatement ou quelque autre
d’eux : car on n’en fçait pas précifément le tems.
Il étoit entré dans ce monaftere dès l’âge de feize
ans : mais il ne reçut la tonfure monaftique 8c ne
s’engagea que quatre ans après. ■ eut premièrement
pour maître un moine nommé Martyrius : après la
mort duquel il fe retira feul au bas de ,1a montagne,
en l’hermitage nommé T o le , 8c y mena la vie d’ana-
corete. Dans la fuite il reçut auprès de lui un moine
nommé Moïfe. Quelque^ envieux aïjant publié, que
Jean n’étoit qu’un caufeur , 8c ne s’appliquoit qu’à
des chofes vaines : il répondit à cette calomnie par le
filence , & fut un an fans parler à perfonne. Après
quarante ans de folitude, il fut élu malgré lui abbé
du Mont Sina.
Jean abbé de 'Raïthe l’aïant prié d’écrire quel