
III.
r Confefleurs
exilez..
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e? H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
crées, les fie vifiter honteufement par des matrones
de fa nation , ôc les fit tourmenter pour les obliger
à dépofer contre les évêques. On les fufpendoic
avec de grands poids aux pieds, on leur appliquoit
des lames de fer rouge fur le d o s , fur le verttre, le
fe in , les cotez : les preifant de dire que les évêques
ôc les clercs catholiques abufoient d’elles. Plufieurs
moururent de ces tourmens d'autres en demeurèrent
courbées : mais elles ne donnèrent aucun prétexte
de calomnier l’églife.
Enfuite Huneric envoya en éxildans ledefertdes
évêques , des prêtres, des diacres 8c d’autres catholiques,
au nombre de quatre mil neuf cens foi-
xante ôc feize ; entre lefquels il y avoir plufieurs goûteux
, plufieurs à qui leur grand âge avoir fait perdre
la vûë. Félix d Abbirite évêque depuis quarante-
quatre ans étoit paralytique ; enforte qu’il avoit
perdu tout fentiment Sc même la parole. Les é v ê ques
catholiques ne fçaehant comment l’emmener,
firent demander au roi qu’on le laifiât à Carthage où
il mourrait bien tôt. Le roi répondit: S'il ne peut
fe tenir à che val, qu’on l’attache avec des cordes à
des boeufs indomptez pour le mener où j ’ai ordonné.
Il fallut le porter iur un mulet lié en travers comme
une pièce de bois. On aflçmbla tous ces confefleurs
dans les deux villes de Sicca ôc de Larée, où les Maures
devoient les venir prendre pour les mener dans
le défert. On les enferma premièrement dans une pri-
fon , où leurs confrères avoient permiflion d’entrer,
de prêcher Sc celebrer‘les divins myfteres. Il y avoit
avec eux plufieurs jeunes en fan s, dont quelques-
uns étoient tentez par leurs meres, qui pour les tirer
L i v r e T r e n t i e ’me. f
de ce péril vouloient les faire rebaptifer : mais aucun
ne fe laifla féduire.
Les confefleurs furent enfuite reflerrez dans une „ IO
prifbn plus étroite : on ne permit plus de les v i fiter,
Sc lesgardes furent châtiez rudement. Les pri-
fonniers étoient entaflez l’un fur l’autre , fans avoir
aucune efpace, pour s’écarter en fatisfaifant auxné-
ceflïtez naturelles : ce qui produifit bientôt une
infe&ion Sc une horreur plus infupportable que tous
les tourmens. Leurs confrères, 5c entre autres V ic tor
l’hiftorien, ayant trouvé moyen d’y entrer fecre-
temenc, s’enfoncèrent dans l’ordure jufques aux genoux.
Enfiales Maures leur ordonnèrent à grand
bruit de fe préparer â marcher. Ils iôrtirent donc
un dimanche, fales comme ils étoient ; non feule-
mentpar leurs habits, mais par la tête Sc le v ifa g e ,
Sc toutefois ils chantoient : Te lle eft la gloire de tous V-
fes faints. Cyprien évêque de d’Unizibe les confo-
lo it , Sc leur donna tout ce qu’il avoit ; deftrant d’être
emmené avec eux. Il louflrit beaucoup dans la
fuite , Sc fut envoyé en exil après une rude prifon.
Le peuple accouroit de tous côtez pour voir les
faints confefleurs : les chemins étoient trop étroits ,
Sc les fideles couvraient les vallées Sc les montagnes,
portans des cierges à leurs mains, ôc jettant leurs en-
fans aux pieds des faints. Ils leur crioient : A qui
nous lai fiez-vous en courant au martyre ? qui bap-
tifera ces enfans ? qui nous donnera la penitence ôc
la réconciliation îquin ou s enterreraaprèsla mort l
qui offrira le divin facrifice avec 1 s cérémonies
ordinaires l que ne nous eft-il permis d’aller a v e c
vous î