
4 io H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
Le faint lui répondit : T ou t ce monaftere que j’ai bât
i , & tout ce que j’ai préparé .pour les freres, a été livré
aux Gentils par le jugement de Dieu : à peine ai-
je pû obtenir de fauver les perfonnes. Ce qui fut accompli
environ quarante ans après, quand les Lombards
ruinèrent le monaftere du Mont-Çaifin.
Outre les p réd irion s , on rapporte un grand nombre
de miracles de faint Benoît, & entre autres celui-
ci. Un jour comme il étoit forti avec les freres pour
travailler aux champs, un païfan vint au monaftere
outré de douleur, portant entre fes bras le corps de
fon fils m o r t, & demandant le pere Benoît. Comme
on lui dit qu’il étoit aux champs avec les fre re s , il
jetta le corps de fon fils devant la porte du monaftere
, & dans le tranfport de fa douleur, il courut d’une
grande viteife chercher le faint. Si-tôt qu’il le vit il
le mit à crier : Rendez-moi mon f i l s , rendez-moi
mon fils. Saint Benoît s’arrêta & lui dit : Vous ai-je
ôté votre fils ? Le païfan répondit : Il eft m o r t, v enez
le reiTufciter. Le faint fort affligé de ces paroles,
dit : R e tire z -v o u s , mes freres, retirez-vous. Cela
ne nous appartient pas , c’eft aux faints apôtres.
Mais le pere affligé p erfiftoit, proteftant avec ferment
, qu’il ne fe retireroit p o in t, que le faint abbé
n’eût relfufcité fon fils. Saint Benoît lui demanda
où il étoit. V o ilà , d it-il, fon corps à la porte du monaftere.
Le faint y étant venu avec fes frerës fe mit
à genoux , fe coucha fur le corps de l’enfan t, & fe
relevant étendit les mains au c ie l, & dit : Seigneur ,
ne regardez pas mes pechez, mais la foi de cet homme
, Si rendez à ce corps l’ame que vous en avez
ôtée. A peine eut-il achevé fa priere, que tout le
L i v r e t r e n t e -t r o i s i e ’m e . 4 1 1
corps de l’enfant trembla à la vûë de tous les affif-
tans : faint Benoît le prit par la main Si le rendit à
fon pere plein de vie & de fante.
Saint Benoît avoit une foeur nommée Scholafti- slim^ hoUf.
que qui s’étoit confacrée à Dieu dès l’enfance , & vi-
voit dans un monaftere proche du fien. Elle venoit
le voir une fois l’an , de il alloit la recevoir aifez près
de la porte du monaftere. Il y vint donc un jour avec
fes difciples, & après avoir palfé la journée à louer
Dieu , Si à s’entretenir de chofes faintes, ils mangèrent
enfemble fur le foir. Comme ils étoient encore
à table, & qu’il fe faifoit tard, Scholaftique dit :
Je vous prie ne me quittez point cette n u it , & que
nous parlions de la joïe celefte jufques à demain
matin. Il répondit : Que dites-vous, ma foeur ? je
ne puis en aucune façon demeurer hors du monaftere.
Le tems étoit fort ferein : fainte Scholaftique
mit fa tête fur la table , dans fes mains jointes pour
prier Dieu , répandant des torrens de larmes ; Sc
quand elle fe re le v a , il yint de tels éclairs, un tel
tonnerre , Si une pluye lî violente , que ni faint
Benoît ni les freres qui l’accompagnoient, ne purent
mettre le pied hors de la porte de la maifon. Saint
Benoît demeura donc malgré lu i , Si palfa la nuit
avec fa foeur en converfation fpirituelle. Le lendemain
ils retournèrent chacun chez foi. Mais trois
jours après faint Benoît étant dans fon monaftere , e'**
Sc levant les yeux , vit l’ame de fa foeur entrer au
ciel en forme de colombe. R a v i de fa gloire il rendit
grâces à Dieu : déclara fa mort aux freres , Si les envoya
pour apporter le corps à fon monaftere , & le
mettre dans le tombeau qu’il avoit préparé pour lui-
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