
5 54 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
H ' vous avez de concert avec lu i , donné des prefens
7 7 * pour me tuer. Vous m’avez fait un ennemi de mon
fils : Vous avez feduit mon peuple par argent, pour
violer la foi qu’il m’a-promife, Si vous avez voulu
faire paiTer mon roïaume en la main d’un autre.
Tandis qu’il parloir ainfi, les Francs qui étoient prefens
en grand nombre , frémiiToient de colere, &
vouloient rompre les portes de l’églife , pour en tirer
l’évêque & le lapider .: mais le roi les empêcha.
E t comme Prétextât nioit les faits avancez par le roi,
on fit paroître des témoins qui montroient des cho-
fes qu’il leur avoit données, difoient-ils, afin qu’ils
promiilent fidélité à Merouée. Il répondit : Vous
dites v r a i, je vous ai fouvent fait des prefens ,,mais
ce n’étoit pas pour chaifer, le roi de fon roïaume.
Vous m’avez donné de bons chevaux & d’autres
chofes, pouvois-je manquer à témoigner ma recon-
noiifance ?
Le roi s’étant retiré à fon lo g is , les évêques demeurèrent
ailis dans la fale fecrete de l’églife de S .
Pierre, & comme ils conferoient, Aëtius archidiacre
de l ’églife de Paris, vint tout d’un coup, & leur dit :
Ecoutez-moi , évêques qui êtes ici aifemblez. C ’eft
maintenant que vous acquerrez de la réputation &
de la gloire , ou que perfonne ne vous regardera
plus comme des évêques, fi vous n’agiifez vigoureu-
I fement, & fi vous biffez périr votre frere. Perfonne
ne répondit à ce difeonrs, craignant la fureur de la
rein e, qui poulfoit cette affaire. Comme ils étoient
en filence , Grégoire de Tours dit : Soïez attentifs
a mes difeours, faints évêques, vous particulièrement
qui approchez du roi avec plus de familiarité.
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Donnez-lui un confeil digne de vous : de peur qu’il
n’attire la colere de Dieu , s’emportant contre un de S 7 7‘
fes miniftres., & qu’il ne perde fon roïaume & fa
gloire. Et comme ils gardoient toujours le filence ,
il ajouta : Souvenez-vous de la parole du prophète ,
qui dit : Si la fentinelle voit le peché de l’homme ,
¿c ne l’avertit pas, il eft coupable de la perte de fon
ame. Puis il leur apporta l’exemple recent de Clodo- sup.Uv.mn.
mir,qui n’eut point d’égard à la remontrance de faint
A v it j pour épargner Sigifmond ; & l’exemple plus
ancien de l’empereur Maxime , qui contraignit laint s«p. ih.
Martin de communiquer aux Itaciens. A tout cela
les évêques ne répondirent rien, tant ils étoient étonnez
& interdits. Mais il y en eut deux qui pour flater
le ro i, lui allèrent dire, qu’il n’y avoit perfonne plus
oppofé à fes intérêts que Grégoire.
Auffi-tôt Chilperic Tenvoïa quérir par un de fes
courtifans. Grégoire le trouva debout auprès d’un
cabinet de feuillées, aïant à fa droite. Bertrán évêque
de Bourdeaux , & à fa gauche Ragnemode évêque
de Paris, Il y avoit devant eux un banc couvert
de pain & de diverfes viandes. Le roi aïant apperçu
Grégoire, lui dit : Evêque , vous devez juftice à tout
le monde , & je ne la puis avoir de vous : mais vous,
favorifez l’injuftice, & vous accompliffez le.prover-
be , que jamais corbeau n’arrache l’oeil du corbeau.
Grégoire répondit : Si quelqu’un de nous secarte du
chemin de la juftice , vous pouvez, feigneur, le corriger
: mais fi vous vous égarez , qui vous ramènera ?
Nous vous parlons, vous nous écoutez, fi vous voulez:
fi vous ne voulez pas, qui vous condamnera, fi-
non celui qui a d it , qu’il eft la juftice ? Le roi lui re-
F f f f ij