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On retenoit toujours Luitprand , quoiqu’il eut' eu
A n . 968, fûn COngé dès la fin de Juillet ;& à peine pût-il obtenir
d’aller adorer la vraïe croix le jour dé l’exaltation. Enfin
le dix-feptiéme de Septembre il eut audience du pa-
tricc Chriftofle eunuque , qui lui dit : Vous ne devez
pas trouver mauvais fi nous vous retenons. Le pape de
R om e , fi on doit nommer pape une homme qui a corn-
muniqué avec le fils d’Alb e r ic, tout apoftat, adultéré &
facrilege qu’il étoit -, le pape, dis-je, a écrit des lettres à
l'empereur , où il le traite d’empereur des Grecs.; &ç il
n’y a pas de doute qu’il la fait par le conieil de v o tre
maître, Mais le pape eft fi impertinent, qu’il ne
fçait pas que quand Conftantin transfera ici l ’empire,
il y amena tour le fenat & la nobleffe Rom ain e , &c ne
Jaifla à Rome que de vils efclaves, des pêcheurs, des
cuifiniers & u n e fembjablepopulace. Luitprand répondit
: Le pape, loin d’offenfer l ’empereur , a crû lui
faire plaifir. Commç vous avez changé la langue , les
moeurs & l ’habit des Romains, il a cru que le nom
de Romain vous déplaifoit auifi ; mais il changera à
l ’avenir la fufcription de fes lettres, Luitprand appai-
fa les Grecs par cette rpponfe ; & ils lui donnèrent
deux lettres, une de l’empereur Nicephore à l ’empereur
O t to n , une autre du frere de l’empereur fcellée
d’arg en t, en difam : Nous ne jugeons pas votre pape
digne de recevoir des lettres de l ’empereur , le C u r o -
palatç lui écrit une lettre qui lui c o n v ien t , & l’en -
yoïe-, non par fes pauvres non ce s, mais par vous, S’il
ne fe corrige , il doit fçavoir qu’il eft pejrdu fans ref-
fource,
xxn. . En racontant fon retour en Ita lie , Luitprand fç
*^|nt plaint du peu de feçotirs qu’il reçut dan? cette route .
des
L i v r e c i n q u a n T - e - s i x i e ’me. 161
des évêques Grecs. Je n’ai point trouvé, d it - il, chez
eux d’hofpitalité. Ils font eunuques pour la p lu p a r t,
riches par l ’argent qu’ils gardent dans leurs coffres, &
pauvres par leur maniéré de vivre. Ils mangent feuls
a une petite table nue. Leur repas eft un bifcuit de mer
avec quelques laïruës & de l ’eau chaude dans de petits
verres, Eux-mêriies vendent Sc a ch è ten t, ouvrent
& ferment leurs portes. Ils font eux-mêmes leurs maîtres
d’hôtel & leurs palfreniers. Je crois qu’ils vivent
ainfi , parce que leurs églifes font tributaires. L ’évêque
de Leucate me jura , q uelafiennepaïoittouslesans
à l ’empereur Nicephore cent fols d’o r , & les autres à
proportion.
Luitprand qui fit cette ambaffade pour l’empereur
O tto n , étoit avant fon épifcopat diacre d e l ’églife de
Pavie ; & il ne prend que cette qualité dans l’hiftoire
qu’il écrivit à la'priere de Raymond évêque d’Eliberis
en Efpagne. Il y raconte les évenemens qui s’étoient s«p.i.
paffez de fon temps &c à fes yeux , principalement en
Italie , commençant à la prife de Freflinet par les Sar-
rafins en 891. & finiffant au concile de Rome., où le
pape Jean X I I . fut dépofé en 963. Le fty led e Luitprand
témoigne plus d’efpric & d’érudition que de jugement.
Il affeéte d’une maniéré puerile , de montrer qu’il fça- ».7;
vo it le Grec. Il mêle.fpuvent des vers à fa profe ; il eft
par tout extrêmement pafliùnné, chargeant les uns
d’injures, les autres de louanges & de flatteries. .I l fait,
quelquefois le plaifant & le bouffon aux'dépe’ns même
de la pudeur : comme quand il rapporte les plaintes
d’une femme Greque contre Thibaud marquis de
Spolete , & la prife de Guille femme de Bofon. C e pendant
c’cft un diacre qui parleMans une hiftoire
Tome X I I . X
Lib. 4. h;fi, c. 4.
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