
188 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i ^ ü ë .
de fa' main : qui ne contenoit que ces mots : A mes
feigneurs 8c mes freres de C lu g n y , frere Mayeul malheureux
captif. Les torrensdeBclial m’ont environné,
les filets de la mort m’ont prévenu. Maintenant donc
e n v o ïe z , s’il vous p la î t , la rançon pour moi & pour
ceux qui font avec moi. Cette lettre aïant été apportée
à C lu gn y , y caufa une extrême affliétion & dans
tout le païs..On vendit tout cequi fervoit à l’ornement
du monaftcre ; plufieurs gens de biens contribuèrent de
leurs liberalirez , & on amaifa promptement la fomme
promife.
Cependant le faint abbé s’attiroit de plus en plus la'
vénération des barbares. L’heure du repas étant venue,
ils lui offrirent de ce qu’ils mangeoient, c’ëft-â-dire, de
là chair & du pain très-rude. Il répondit : Si j’ai faim ,
c’e il au Seigneur à me nourrir : ce que vous m’offrez
n ’e f tp as à mon ufage. Alors un d’eux en eut compaf-
fîon : il releva fes manches, lava fes mains 8c un bouclier
, fur lequel il paîtrit un pain affez proprement en
prefence de l ’ab b é , le fit promptement cuire 8c le lui
apporta. L’abbé le r e ç û t , fit fa priere 8c le mangea
avec aèâion de grâce. Un autre Sarrafin voulant polir
un b â to n , mit le pied fur une bible que Mayeul por-
toit toujours avec lui. Le faint homme en gémit ; &
les autres reprirent leur camarade , difant qu’il ne falloir
pas traiter ainfi les paroles des grands prophètes.
Le même jour ce Sarrafin aïant pris querelle avec
d’autres , ils lui coupèrent le pied dont il avoit foulé
la bible. Enfin la rançon étant v e n u e , S. Mayeul fut
délivré , 8c tous ceux qui avoient été pris avec lui , &
il célébra la fête de l’affomption chez les C h ré tiens ,
comme il.Favori: demandé. Les Sarrafins rie demeu-
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rercnt pas long-temps fans etre entièrement chaffcz de
l e u r pofte de Freifinet, par les troupes de Guillaume duc
d’Arles : cequi fut regardé comme une punition divine
de la prife du faint abbé. On lui renvoïa fes livres qui
furent trouvez daris leur bagage.
Quelque temps après le retour de S. Mayeul a C lu g
n y , l’empereur O tton II. & l’imperatrice Adeleïde fa
mere l’aïant fait v en ir, le prièrent inftamment d’accepter
le faint fiege de R om e , qui étoit vacant. On croit
que c’étoit après la mort de Benoît V I . & de D o n u s ,
pour empêcher la faètion de Francon de le rétablir.
L ’abbé Mayeul refufa conftamment cette dignité , d ifant
qu’il vou lo it vivre pauvre &i ne quitter jamais fon
petit troupeau. Comme l’empereur 8c 1 imperatrice le
preffoient fo rtemen t, il demanda du temps pour y pen-
fer. Il fe mit en prière, 8i fe trouva enfuite fortifie dans
fa refolution. Il dit donc aux feigneurs & aux evêques,
qui vouloient lui perfuader de fe rendre au defir de
l ’empereur: Je fçai que je manque desqualitezneceilai-
res à une fi haute dignité ; 8c les Romains 8c moi nous
fommes autant éloignez de moeurs que de païs. Enfin il
demeura ferme dans fon refus ; 8c ce n e ft peut-etre pas
le moindre de fes miracles.
On vit un exemple illuftre de fon autorité dans la
réconciliation du roi Otton II. avec l’imperatrice Adeleïde
fa mere, que fa vertu fait compter.entre les fain-
tes de ce fiecle. Elle étoit fille de Raoul II. roi de Bourgogne
8c foeur du roi Conrad le pacifique & de Bouchard
évêque deLaufane, depuis archevêque de L yon .
Dès l’âge de feize ans elle époufa Lothaire fils de H u gues
roi d’ Italie, 8c en eut Emme qui époufa Lothaire
roi de France. Adeleïde demeura veuve après trois
A a iij
■ X L .
S. Mayeul refuffl
d’être pape.
V ita per S y r . lih*
5 . c. %.
X L ï .
Sainte Adeleïcftf
imperatrice.
V ita per O d il,
B ib l. C iu n . p.
354-
Elog. fétes f . B e n ,
p. j8 .