
3<ro H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
que je fu i s , vo ilà ma maifon , 8c ma v ille 8c tout ion
territoire devant v o u s , ordonnez-en comme ilv o u s
plaira. S. N il lui demanda un lieu pour prier en repos,
& Grégoire le lui accorda volontiers. C ’étoit un
v.x!r'herii.»t. p £ titre lt e de i a maifon de campagne de C ic e ro n ,
nommée la Grotte ferrée.
Mais lesfreres qui étoient demeurez au monaftere
deSerperis , aïant appris au bout de deux m o is , que
le pere N il ne reviendroit plus chez eux ; prirent
leurs manteaux, leurs peaux de mouton , 8c le refte
de leurs petits meubles , 8t vinrent au lieu deftine
pour le nouveau monaftere , c’e ft-a -d ir e a la Grotte
ferrée. S. N il l’aïant appris s’en réjouit en c fp r i t , 8c
leur manda. C ’eft aifez , mes freres, que vous aiez
pris la peine de venir jufques la pour 1 amour de moi
d emeurez-y j u f q u ’ à ce que j’aille vous trouver. il fe
difpofoit en effec à y aller a pied de fainte Ag ath e >
qui en étoit à trois m ille s , quand il fe fentit près de fa
fia . Il appella donc les freres qui l’avoient fu iv i, 8c
Paul deftiné depuis long-tems à être leur fuperieur :
il leur diftribua fes h aillons, qui étoient tout fon bien,
8c les pria de lui faire recevoir les faints myfteres ;
puis il leur dit : Je vous p r ie , fi je meurs, de ne point
tarder à couvrir mon corps de terre : ne m enterrez
pas dans une é g li ie , 8c ne faites fur moi ni voûtes , ni
aucune décoration. Il leur donna fabenediêtion, puis
s'étendit fur fon l i t , 8c demeura deux jours fans parler,
ni ouvrir les yeux ; feulement il paroiifoit prier,
car on. lui vo ïo it remuer les le y r e s , 8c faire de la
main droite le figne de la croix. . . v , * .
Le comte Grégoire aïant apprisqu’il étoit a l’extremité
, accourut, lui amenant M ich el excellent, médecin
L i v r e c i n q u a n t e -h u i t i e ' m e .’ 361
cin. Grégoire iejetca furie fa intfond ant en larmes 8c
difant: Mon pere, mon pere,pourquoi m’abandonnez-
vous fi-tôt ? C ’eft que vous a vez horreur de mes pe-
chez. Et lui baifant les mains il ajoûtoit : Vous ne
m’empêchez plus de vous baifer les mains, comme
vous faifiez auparavant, en difant ; Je ne fuis ni é v ê que,
n i p rêtre, ni d iacre, je ne fuis qu’un pauvre petic
caloyer. Grégoire parlant a in fi, repandoit tant de larmes,
qu’il en tiroit des yeux de tous les affiftans. Le
médecin tâtant le poux du S. v ie illa rd , afluroic qu’il
n ’a voit ni fievre ni aucun figne de mort.
Après qu’ils fe furent retirés, 8cque l’heuredes v ê pres
fût venue, les freres refolurent de porter le S .homme
dans l ’églife. Car c’étoit la fête de S. Jean l’évan ge-
lifte , que les Grecs celebrent le vingt-fixiéme detSep-
tembre; 8c ils favoient quelle dévotion il avoit pour les
fêtes des faints , 8c qu’il difoit toujours qu’un moine
doit mourir dans l’églife. Ils le firent d on c , 8c l’office
des vêpres étant fini Sc le foleil co u ch é , le faint expira.
Ils pafferent toute lan u it à chanter des pfeaumes 8c les ,
prières des funérailles ; 8c le matin ils prirent le lit où f‘ l6S‘
étoit le corps, 8c l’emporterent avec les cierges 8c l’encens,
jufques au lieu où les autres freres l’attendoient,
c ’eft-à-d ire, à la Grotte ferrée. La rencontre des deux
troupes de moines renouvella leur douleur; 8c le comte
Grégoire avec les gens du pais qui étoient accourus
en foule , fuivoient le co n v o i en pleurant. T ou te la
communauté avec l’abbé Paul demeura auprès du tombeau
de S- N i l , travaillant de leurs mains 8c gagnant
leur pain avec peine,.àcaufe de la pauvreté du lieu ,
mais il devint bien tôt un célébré monaftere. L’églife ti,
honore la m émoire de faint Ni l , le jour de fa m or t, SeJ>-
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