
i j o H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q j u e .
c a r la fo if ne l’incommodoit que les premiers huit jours,'
T outefois il paffoit fouvenc le carême fans boire & fans
m an g e r , ne prenant que la fainte communion. La
nuit il donnoit une heüre au fommeil pour la digef-
tion , enfuite il recitoit le pfeautier , faiiant cinq cens
génuflexions, puis il difoit les prières des nocturnes
& des matines. Car il étoit perfuadé qu’un ermite doit
faire beaucoup plus d’exercices de pieté que celui qui
v it en communauté. Son habit étoit un lac de poil de
chevre , qu’il portoit un an : & fa ceinture étoit une
corde qu’il n’ôtoit qu’une fois l’année , fouffrant patiemment
la vermine qui le rongeoit. i l n’avoit ni lit,
ni fiege , ni coffre , ni fac : fon encrier étoit de la cire
appliquée fur du bois. T e l étoit fon amour pour la pauvreté,
M7- Un des freres le pria de trouver bon qu’il demeurât
avec l u i , & l’aïant obtenu à grande peine , il lui dit :
M on pere , j’aj trois pièces.d’a rg en t, que voulez-vous
que j’en faife ? N il lui dit : donnez-les aux pauvres, &
ne gardez que votre pfeautier. Il le fit; mais après avoir
demeuré quelque temps avec le fa inthomme, il s’en-
nuïa de cette vie fi auftere, & commença à chercher
querelle pour le mettre en eolere. N il lui dit doucement
: M on frere,le Seigneur nous a appeliez en paix.
\,ç«r.th. ij. Si vous ne pouvez plus me fouffrir , allez à la bonne
heure où il vous plaira. Car je vois que vous ne pouv
e z vous défaire de l ’ambition & du defir du facerdo-
ce. L ’autre lui dit tout en colere : Rendez - moi mes
trois pièces d’a rg en t, & je m’en irai. Q u ’avois-je affaire
de les donner aux pauvres ? N il lui répondit : Mon
frere , écrivez fur un morceau de papier, que j’en recevrai
la recompenfe dan? le c ie l, ôç le mettez fur l’aut
L i v r e c i n q u a n t e - s e p t i e ’m e . 131
tel,&:je vous les rendrai auflî-tôt. L ’autre voulut voir
comment N il, qui n’avoit pas une obole , accompliroit
fa promeiTe, & fit ce qu’il délirait, N il aïant reçu fon
écrit, defeendit au monaftere de C a r te l, & y emprunta
trois pièces d’argent qu’il lui donna. Le mauvais
moine fe retira , fuivit fes defirsQ & mourut quelque
temps après. Mais N il étant rentré dans fa caverne ,
écrivit en douze jours trois pfeautiers, & acquitta fa
dette.
Quelques années après le bienheureux Fantin tom- b
ba dans une efpece d’égarement d’efprit qui parut fur-
naturel à ceux qui connoiffoient fa vertu. Car il fortit
de fon monaftere, & alloit de côté & d’autre, faifant
des lamentations continuelles fur les é gh fe s , les mo-
nafteres & les livres. I l difoit que les égliies étoient
pleines d anes & de mulets , qui les profanoient par
leurs ordures: les monafteres brûlez & perdus, les livres
mouillez & devenus in utiles , en forte qu’on n’au-
roit plus dequoi lire.-Quand il rencontrait un des freres
de fon monafte re, il le pleurait comme m o r t, &
d ifoit : C ’eft moi qui t ’ai tué mon enfant. En parlant
ainiî il ne vouloir ni loger fous un to it , ni prendre de
nourriture ordinaire, mais errant par les deferts, il vi-
vo it d’herbes fâuvagcs, On crut que c e to itu n e prédi-
¿tion del incurfiondes Sarralîns, qui ¿défolerent le pais
peu de temps après : ou plutôt de la décadence dés monafteres,
&c du relâchement de la difcipline. Nil fenfï-
blement afflige de voir l’abbé Fantin en cet état,Iefui-
vo it Se sefforçoit de lui perfuader de rentrer dans le
monaftere : mais Fantin l’aflura qu’il n’y retournerait
p o in t, & qu’il mourroit b ie n - tô t , comme il arriva en