
ffS H I S T O IR E E c C L E S I A S T 1 QUE.
vous aviez fait d’abord cette prop ofition , vous nous
auriez épargné & à vous auffi bien du temps & du
chagrin. L ’expédient eft facile : que votre roi envoie
au notrç demander ce que je dois faire : j ’obéirai
ponéfuellement,
La propofition fut acceptée, mais on ayoit peine à
trouver quelqu’un qui voulût entreprendre ce v o ïa g e ,
quoiqu’Abderame promît une grande recompenfe. Il
y avoit à fa cour un chrétien nommé Recemond , fça-
vant dans les deux langues, le Latin & l ’Arabe ,
du nombre de ceux qui écrivoient les plaintes ou les
demandes des particuliers au roi & fes réponfes : car à
cette pour tout fe traitoit par écrit. Il s’offrit pour aller
vers le roi O t to n , & étant agréé, il vint tjtouyer Jean,
Çc s’informa des moeurs de ce prince de la nation.
Jean l ’affura qu’il feroit très-bien reçu , & lui prorniç
des lettres pour fon abbé. En ce temps il yacquoit un
évêché en Efpagne, Recemond le demanda pour re-
cpmpeniè, ée l’obtint façilement : ainfi de laïque il de^
v ip t tout d’un coup évêque.
En deux mois & demi il arriva à l’abbaïe de G o r z e ,
où il fu t reçu avec joïe : puis il alla à M e tz & fu t bien
traité par l’évêque Adalberon, ju fq u a c e q u ’il fut temps
de le préfenter au roi O tton , ce qui fe fit à Francfort,
On loua }a fermeté de l ’ambaffadeur Jean , & on lui
rep voïa des lettres plus douces avec ordre de fupprimer
les premières, de conclure à quelque prix que ce fût
up traité de paix & d’amitié avec Abderame , pour arrêter
Jes courfes des Sarraiins, de revenir au plutôt,
Recemond étant arrivé à Cordouë avec up nouvel
en vo ie d’O tton nommé D u d o p , ils demandèrent audience
: mais Abderame dit qu’il vouloit auparavant la
donnçt
L i v r e c i n q u a n t e - c i n q i i i e ’m e . <>7
donner aux premiers ambaffadeurs' & voir ce moine fi
opiniâtre. Ainfi au bout d’environ trois ans il fut ré-
fo lu que Jean auroit audience.
On vouloit qu’il prît des habits magnifiques pour pa-
roître devant le ro i, fuivant la coutume de la na tion ,
& comme il s en d e fen d o it, le roi croïant que c’étoit
par pauvreté , lui fit donner dix livres de monnoïe.
Jean les reçut avec adlion de g râ c e s , à deffein de les
donner aux pauvres : mais il dit qu’il ne quitteroit point
fon habit monaftique. Je reconnois en tout fa fermeté
dit le r o i , qu il vienne s’il veut revêtu d’un fa c , je ne
l ’en aimerai que mieux. Le jour de l’audience étant ve-~
n u , les François furent conduits & reçus au palais avec
grand appareil. Le roi qui étoit feul dans fa chambre,
affis fur un tapis precieux , donna à Jean fa main à bai-
fer en dedans, qui étoit le plus grand honneur, puisil
lui fit ligne de s affeoir fur un fiege qui lui étoit prépare.
Apres quelque eclairci/Tement fur le long retardement
de 1 audience, Jean donna les prefens de fon maître
, &c demanda auili-tot fon congé. Abderame en fut
furpris, & dit quaprès une fi longue attente, il ne fa lloir
pas fe feparer fi promptement. A une fécondé audience,
il lui parla beaucoup fur la puiflance A les actions
du roi Otton: témoignant une grande eftime pour
lu i, mais defaprouvant 1 autorité qu’il laiffoit aux fei-
gneurs. La finit l ’unique exemplaire qui eft refté de la
vie de faint Jean de Go rze, écrite dans le temps même
par Jeun abbe de S, ArnouJ de Mets fon d ifciple, homme
fenfç &c judicieux. O n fça it d’ailleurs, que Jean au uMi.ftc
retour de cette ambaffade fut abbé de Gorze vers l’an
5)6°: ^m o uru t l’an 573. qui étoit le quarantième de fa
ffnrefh ou monaftiqye,
Tome X I I , nt