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P r em i e r s d ifc ip le s
de S. Nilt
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t -14-
131 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
N il étant revenu à fa caverne, les peres du monaftere
de Fantin vinrent le prier de vouloir bien venir 5c
leur choifir un abbé. Car ils le connoiffoient allez pour
n’ofer lui propofer de l’être lui-même. Il entra dans le
monaftere 5c aiTembla la communauté dans l’églife :
mais après la priere, Luc freredu défunt abbé Fantin
prit N il par les pieds, le conjurant au nom de là fainte
Trinité & de tout ce qu’il y a de plus faint, d’être leur
abbé. N il retourna contre Luc fes propres conjurations,
5ç le fit élire abbé : car quoiqu’il ne fût pasfort fçavant;
dahs Jes faintes écritures, il avoit le talent de gou ve r-
ner 5c une grande vertu. C ’eftainfi que N il évita cette
tentation,
Pendant qu’il étoit encore dans fa caverne , il lui
v int un difciple nommé E tien n e , homme d’une gran-
de iïmplicité , mais d’une patience 5c d’une obéiffance
merveilleufe. Les Sarrafins aïant couru pendant un an
toute laC a la b re , le bruit fe répandit qu’ils viendroient
auiïî au canton de Mercure , 5c qu’ils n’epargneroient
ni monafteres ni moines. T o u s fe refugierent dans
les châteaux les plus proches; & Etienne fe trouvant au
monaftere de S. Fantin , fuivit les moines, n a ian t pas
letejn.ps de retourner à la caverne .Nil lui-meme voianc
déjà la poufliere qui marquoit la marche des ennem
is , ne youlut pas tenter Dieu , & fe cacha dans un
lieu détourné : puis il revint le jour fuivant a fa caverne
, d’où ils avoient emporté le cilice qu il avoit pour
changer. Etant defcendu au monaftere, il trouva qu ils
y avoient tout ravagé ; 5c croiant qu ils avoient enlevé
Etienne , il réfolut de fe rendre efclave avec
lui. Mais il apprit qu’il s’était fauvé avec lçs moines ;
pç après que les Sarrafins furent pailez ? N '1 & Etienne
fetournerens-
L i v r e c i n q u a n t e -s e p t i e 'm e . ¿33
retournèrent à leur caverne, & reprirent leur première
fa çon de vivre.
Quelque temps après N il aïant envoie Etienne à M8-
Roffane pour acheter du parchemin , il en revint accompagné
d’un vieillard nommé George , des principaux
de la ville , qui croïoic être appellé de Dieu à
mener la vie folitaire , & s’offrit à Nil pour faire ce
qu il lui plairoit. N il lui répondit : Mon frere, ce n’eft
pas pour notre vertu que nous demeurons dans ce dé- p.c»:
ie r t : mais parce que nous ne pouvons porter la réglé
de la vie commune , nous nous fommes féparez des
hommes, commedeslépreux. Vous faites bien de chercher
votre falut : allez donc à quelque communauté,
où vous trouverez le repos de l’ame 5c du corps. Mais
George demeura ferme, 5c ne voulut point quitter le
fa in t , qui conçut pour lui une affe&ion filiale.
Enfin comme les Sarrafins revenoient de temps en p.6#
temps en ces q u a r tie r s -là , & que la caverne étoit fur
leur paffage : N il 5c fes difciples jugerentqu’ils nepou-
yôien t y demeurer. Il vint donc s’établir auprès de R of-
fane en un lien qui étoit à lui, où il y avoit un oratoire
de S; Adrien. Là il lui vint encore quelques difciples,
& par la fuite du temps ils fe trouvèrent jufqu a douze
& pjus : en forte que ce lieu devint un monaftere. Il y
avoit deux freres dans le voifinage , qui touchez d’envie
commencèrent a médire de faint N i l , 5c le traiter
d hypocrite 5ç d impofteur : mais il ne s’en défendit
qu en leur donnant des bénédiétions 6c des louanges ; 5c
un jour qu ils 1 ayoient extrêmement rrialtraité, il vint
-les trouvpr comme ils mangeoient, fe mit à g en o u x ,&
eurdemanda pardon. Enfin il les gagna tellement,que
1 ame çn mourant lui dpnna tout fon fiiemSi lui recoin-
Tome X H . h Gsr