
318 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
Ils entrèrent dans une petite iile que formoit une ri-
An. 997. yiere, & commencèrent à y prêcher Jefus-Chriftavec
une grande confiance : mais les maîtres du lieu furvin-
rent&leschafferentàcoupdepoing. L’un d’eux ayant
pris un aviron d une barque, s approcha de S. Adalbert,
comme il chantoit des pfeaumes, & lui donna un
grand coup entre les épaulés. Le livre lui échappa des
mains, & il tomba étendu par terre. Je vous rends
grâces, dit-il, Seigneur, de ce que j’aurai du moins
fouffert un coup pour celui qui a été crucifié pour moi.
Il paiTa de l’autre côté de la riviere & s’y arrêca lefa-
medi : le foir le maître du village l'y amena : Le p eu«’
pie s’aflembla de toutes parts, ils jettoient des cris
furieux, & attendoient ce que l’on feroit de lui, ouvrant
la bouche comme pour le devorer.On lui deman-
daqui il étoit, & pourquoi il étoit venu. Il répondit:
Je fuis Sclave de nation nommé Adalbert, moine de
profeffion, autrefois évêque, maintenant votre apôtre.
La caufe de mon voyage eft votre falut: afin que vous
laiffiez vos idolesfourdes & muettes, &c que vous re-
connoiffiez votre créateur, qui eft le feul Dieu; &
que croyant en Ion nom vous ayez la vie, & receviez
pour recompenfe une joye eternelle dans le ciel. Les
barbares s'étant retenus avec peine, s'écrièrent en lui
difant des injures & le menaçantdemort.llsfrappoient
la terre avec des bâtons, puis les approchoient de fa
tête, grinçant les dents & lui difant : Tu eft bien heureux
d'être demeuré impuni jufqu’à prefent: retournes
promptement fi tu veux fauver ta vie. Tout ce roïaume
dont nous fommes l’entrée , n’a qu’une loi & une
maniéré de vivre : pour vous qui avez une autre loi inconnue,
fi vous ne vous retirez cette nuit,demain vous
L i v r e c i n q j j a n t e - s e p t i e ’m e . * i 9
perdrez la tête. On les embarquala nuit même, & on ---------
íes fit retourner jufqu’à un certain bourg, où ils de- 927*
meurerent cinq jours. Alors S. Adalbert dit à fes deux
compagnons : Notre habit eccléfiaftique choque ces
payens. Laiffons-nous croître les cheveux & la barbe,
& nous habillons comme eux. On ne nous connoîtra
point, nous converferons familièrement avec eux, &
nous vivrons du travail de nos mains. Il avoit même
refolu de paffer chez les Lutiziens, ou il vouloir aller
d’abord, dont il favoit la langue, & o ù i ln ’étoitpoint
encore connu. Le lendemain ils partirent chantant des
pfeaumes le long du chemin, & après avoir traverfé
des bois ils vinrent dans une plaine fur le midi. Là Gaudence celebra la meffe, ils communièrent, puis ils
mangèrent ; & ayant encore un peu marché ils fe fen-
tirent fatiguez , s’arrêtèrent pour fe repofer & s’en-
dormirenr.. •
Cependant les payens furvinrent, & s’étant jettez
fur eux ils les lièrent, S. Adalbert exhortoit íes compagnons
à fouffrir courageufemcnt pourJ.C quand.Siggo
chef de la troupe & iacrificateur des idoles, s’avança
en furie, lança de toute fa force un dard, dont il lui
perça le coeur. D’aucreslefrapperentàfonèxemple, &
il reçut dans fon corps jufques à fept dards. Son fang
couloir à grands fiots :i l levoit lesyeux au ciel, & quand
on 1 eut délié, il étendit les mains en;croix & prioit à
haute voix pour fon falut & pour celui de fes perfecu-
teurs. Apres qu il fut mort, les barbares accoururent,
lui coupèrent la tête, la plantèrent fur un pieu Scs’ea.
retournèrent avec de grands cris de joye. S. Adalbert
fouffric ainfi le martyre le Vendredi vingt-troifiéme
¿Av r il 297, & l’églife honore fai mémoire le même: